dimanche 22 janvier 2017

La mort du petit coeur de Daniel Woodrell


Présentation (pas terrible) de l’éditeur
Shuggie Atkins est un adolescent solitaire et obèse. Sa mère l'appelle son "petit cœur". Son père le traite de "gros lard" et le force à s'introduire au domicile de grands malades pour y voler les "drogues" qui leur sont prescrites. Shuggie accepte, pour l'amour de cette mère qui ne cesse de le provoquer sexuellement sans avoir l'air de s'en rendre compte.

Ce que j’en pense
Dans ce phénomène du « rural noir » ou « country noir », je trouve que, vu de France, on oublie un peu trop souvent Daniel Woodrell, qui n’a pas été pour rien dans l’émergence de cette vague de romans noirs qui se détournent des villes pour explorer la misère sociale, intellectuelle et morale des campagnes, pour narrer les vies à la fois dures et pitoyables de ces laissés pour compte de la société américaine. La mort du petit cœur est pour moi un pur roman noir, à la lisière du polar, donc j’adore. 
Le « petit cœur », c’est un adolescent en surpoids, élevé par une mère aimante et trop jolie, trop sensuelle pour ceux qui l'entourent dans ce trou du cul du monde, ainsi que par un supposé père qui a tout d’une raclure de bidet, alcoolique, toxico et délinquant, qui n’a de cesse de traiter son fils de gros lard incapable tout en l’utilisant comme petite main dans ses forfaits.
Je ne peux en dire plus sur ce qui m’a conquise dans la construction du roman sans spoiler, mais sachez que le titre est plutôt trompeur, ou qu’en tout cas il ne dit pas ce qu’on croit qu’il dit. Comme dans tout roman noir qui se respecte, on va inexorablement vers le pire, mais Woodrell déjoue les attentes avec brio.
Les personnages sont campés en quelques phrases puis prennent la profondeur tragique qui intéresse Woodrell tout au long du roman. C’est vrai pour les personnages principaux mais aussi pour ces silhouettes déjà fantomatiques que le « petit cœur » vient délester de leurs anti-douleurs, alors qu’ils tentent de guérir ou agonisent tout près de lui. Il y a quelques scènes somptueuses, des rencontres esquissées qui laissent le lecteur pantois.
D’une manière générale, Woodrell capte les ambiances et les moments dans ce qu’ils ont d’essentiel, que ce soit par la douceur qu’ils dégagent ou par leur intensité dramatique. La scène où Shuggie entre dans la cuisine dévastée (je ne peux en dire plus) est l’une des plus fortes que j’ai lues depuis longtemps.
J’ai refermé le roman un peu étourdie, le cœur serré, mais une fois de plus épatée par le talent de Woodrell.


Daniel Woodrell, La mort du petit cœur (The Death of Sweet Mister), Rivages Noir, 2002. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Franck Reichert. Publication originale : 2001.

2 commentaires:

Electra a dit…

oh bonne nouvelle en voyant le titre en anglais - il est chez moi dans ma pàl ! yes ! je ne lis les livres qu'en anglais donc j'ai du mal avec le titres français. Je suis de ton avis, il est assez méconnu (bizarrement Gallmeister n'a pas eu l'idée de mettre la main dessus) et pourtant il est doué ! ses nouvelles, lues il y a peu, sont très sombres aussi mais d'une intensité !

Tasha Gennaro a dit…

Ah tu devrais te régaler. C'est un auteur magnifique, je t'envie de pouvoir le lire en anglais, j'avais essayé mais cela ralentit ma lecture et me frustre! C'est vrai, ça, Gallmeister devrait s'y intéresser. ;-)