samedi 5 décembre 2015

Les rues de Santiago de Boris Quercia


Présentation
Il fait froid, il est six heures du matin et Santiago n'a pas envie de tuer qui que ce soit. Le problème, c'est qu'il est flic. Il est sur le point d'arrêter une bande de délinquants, dangereux mais peu expérimentés, et les délinquants inexpérimentés font toujours n'importe quoi... Après avoir abattu un jeune homme de quinze ans lors d'une arrestation musclée, Santiago Quiñones, erre dans les rues de sa ville, Santiago du Chili, en traînant son dégoût. C'est ainsi qu'il croise le chemin de la belle Ema Marin, une courtière en assurances qui semble savoir beaucoup de choses sur son passé.

Ce que j'en pense
C'est en lisant le billet de Jean-Marc Laherrère sur le deuxième opus des aventures de Santiago Quinones (pardon pour le tilde manquant) que j'ai eu envie de repêcher dans les tréfonds de ma PAL Les Rues de Santiago de Boris Quercia. Bien m'en a pris car j'ai passé un excellent moment et je pense faire l'acquisition de Tant de chiens très vite. 
L'intrigue est assez classique et en même temps c'est une bonne histoire, efficace, jamais ennuyeuse, une histoire de femme, d'argent et de corruption. Quant à Santiago, notre enquêteur, il est typique du roman noir et pourtant déjoue tous les clichés. Il est cet homme de la rue, un dur à cuire qui va toujours au feu quand il faut, mais il est aussi ce type qui ne veut tuer personne, pas aujourd'hui, plus jamais. Je l'aime déjà, je l'ai aimé dès les premières pages. Il se met dans les embrouilles parce qu'il a suivi une jolie femme: cliché? Oui et non. Il y a une page superbe sur l'ambivalence de ce personnage qui sans se l'avouer est amoureux de sa régulière, mais qui refuse d'être fidèle parce que les femmes sont toutes différentes et qu'il a envie de faire l'amour avec elles. Dit comme ça c'est cliché, et nom d'une pipe je m'énerve vite contre les justifications vaseuses des héros masculins du noir d'habitude, mais le tour de force de Boris Quercia est de ne donner à son personnage ni arrogance ni virilité machiste. 
A cela s'ajoute la pulsation de Santiago, la ville cette fois: on en bouscule la faune avec le personnage, on sent l'odeur de la rue, âpre, âcre, et si la ville ressemble à toutes ces grandes mégalopoles du noir, on n'oublie pourtant jamais qu'on est au Chili, parce que les odeurs et les goûts (d'alcool, de mets) sont chiliens et rien d'autre. Comme dans tout roman noir qui se respecte, le personnage sort éprouvé, secoué, de ses péripéties, et nous aussi. 
Bref, c'est du noir d'encre et de sang, c'est beau, déchirant et sans concession. Alors dans ces conditions, constater que Boris Quercia ne renouvelle pas le genre, hein, qu'est-ce qu'on s'en fiche. C'est de la belle ouvrage avec un grand supplément d'âme, et j'en connais qui seraient bien inspirés de manier les codes avec tant de talent (non je ne parlerai pas de ce mauvais polar auquel j'ai déjà fait allusion). 

Boris Quercia, Les rues de Santiago (Santiago Quinones, tira), Asphalte, 2014. Traduit de l'espagnol (Chili) par Baptiste Chardon. Publication originale: 2010. Disponible en Livre de Poche.


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