mardi 25 août 2015

Eva de Simon Liberati


Présentation
"Un soir de l’hiver 1979, quelque part dans Paris, j’ai croisé une femme de treize ans dont la réputation était alors « terrible ».
Vingt-cinq ans plus tard, elle m’inspira mon premier roman sans que je ne sache plus rien d’elle qu’une photo de aparazzi. Bien plus tard encore, c’est elle qui me retrouva à un détour de ma vie où je m’étais égaré.
C’est elle la petite fée surgie de l’arrière monde qui m’a sauvé du labyrinthe et redonné une dernière fois l’élan d’aimer.
Par extraordinaire elle s’appelle Eva, ce livre est son éloge."
Simon Liberati

Ce que j'en pense
Quand Simon Liberati avait publié Jane Mansfield 1967 en 2011, j'avais été tentée et puis, pour une raison obscure, peut-être le manque de temps, j'avais laissé passer. J'ai entendu parler de ce nouveau livre quand la mère de la femme de l'auteur a cherché à en suspendre la sortie. J'ai été intriguée et comme Eva a fait partie des premiers titres publiés en cette rentrée littéraire, je me suis laissée tenter. 
Sans avoir été subjuguée ou bouleversée, je suis ressortie de ma lecture émue et très intéressée. Il y a plusieurs livres qui se rejoignent dans Eva: Simon Liberati exhume le passé terrible de son épouse, mais ce faisant, il part à la recherche d'une époque qu'il a connue aussi, les années 1975-1985, en gros, la vie diurne et nocturne d'une faune interlope et artiste, une période de grande liberté morale, pour le meilleur et pour le pire. Il ressuscite sans s'y attarder la vie du Palace, les expos courues par certain milieu parisien, les rencontres improbables. Cette reconstitution par bribes, mélange de souvenirs personnels, de documents, est passionnante et jamais empreinte de voyeurisme, ce qui est le risque majeur quand on parle du passé sulfureux d'Eva Ionesco. Simon Liberati brosse ainsi le portrait par petites touches de sa femme, avec beaucoup de pudeur. 
Il y a ensuite le roman d'amour: ces deux-là n'ont cessé de se croiser, bien avant leur vraie rencontre dans les années 2010. On a le droit de considérer que cela n'a rien d'étonnant puisqu'ils ont évolué pour partie dans les mêmes sphères artistiques, mondaines et fêtardes; on a le droit aussi d'y voir une sorte de prédestination amoureuse, qui s'accomplit enfin alors que tous deux ont déjà parcouru un bon bout de chemin. Romantique et jamais mièvre, l'histoire d'amour est tout à fait bouleversante. 
Enfin, le récit nous raconte comment une oeuvre naît, comment un projet artistique prend forme, se nourrissant de la vie dont elle capte (reconstruit?) le caractère sublime. En cela Eva est une nouvelle fois muse, cette fois de Simon Liberati, et l'auteur nous livre une réflexion sur la création naissante, son rapport au réel, à l'autre. Il me semble que c'est cela le projet central de Eva, ce qui passe par un portrait amoureux d'une femme réelle et adorée, objet de désir et source d'inspiration. C'est une vision d'Eva, pleine de respect et d'amour. 
Ce fut un très beau moment de lecture. Eva est sans aucun doute un des livres remarquables de cette rentrée.

Simon Liberati, Eva, Stock, 2015. Disponible en e-book.



3 commentaires:

Electra a dit…

C'est intéressant car au départ tu dis ne pas avoir été bouleversée mais au final tu le mets en haut de ta liste ;-) J'aime l'idée de la muse qui inspire un artiste et cette relation m'intrigue, un peu moins le tout Paris des années 75-85 qui a déjà été traité maintes fois (au cinéma et en livre).

Brize a dit…

Je ne peux pas dire que le thème me tente, mais les Inrocks en ont fait l'éloge et ton billet arrive là-dessus, qui souligne les qualités de l'œuvre. Bref, je l'ai réservé en bibli (parce que, surprise des surprises, ma bibli affiche déjà quelques nouveautés à son catalogue :) ).

Tasha Gennaro a dit…

@Electra : oui, pas bouleversée, plus intéressée. Et j'y repense pas mal.
@Brize : tu as de la chance que ta bibliothèque soit si réactive! Tu me diras si tu aimes.