samedi 25 novembre 2017

Aquarium de David Vann


Présentation (éditeur)
Caitlin, douze ans, habite avec sa mère dans un modeste appartement d’une banlieue de Seattle. Afin d’échapper à la solitude et à la grisaille de sa vie quotidienne, chaque jour, après l’école, elle court à l’aquarium pour se plonger dans les profondeurs du monde marin qui la fascine. Là, elle rencontre un vieil homme qui semble partager sa passion pour les poissons et devient peu à peu son confident. Mais la vie de Caitlin bascule le jour où sa mère découvre cette amitié et lui révèle le terrible secret qui les lie toutes deux à cet homme.

Ce que j'en pense
J'ai commencé cette lecture sans rien savoir de l'intrigue ni des personnages, sur la seule foi du nom de l'auteur (le roman était dans mon stock depuis sa sortie). J'ai tout de suite été accrochée par cette pré-ado, Caitlin, qui a une relation assez fusionnelle avec sa mère qui l'élève seule. Alors, vous le savez, à l'époque de sa sortie, je n'avais pas été pleinement convaincue par Sukkwan Island, car j'avais compris trop tôt ce qui se passait réellement. Dans Aquarium, je dirais que j'avais compris rapidement qui était ce vieil homme avec qui Caitlin, passionnée par la faune sous-marine, discute lors de ses visites quotidiennes à l'aquarium. Mais ce n'était pas gênant ici, car cette "révélation" est plus un moment de rupture dans le récit qu'un enjeu majeur. L'aquarium, c'est ce lieu dans lequel Caitlin se sent bien, protégée, comme elle devrait se sentir protégée dans son foyer. Elle rêve d'avoir une famille et ne sait rien du passé de sa mère, qui refuse obstinément d'en parler, justement pour protéger sa fille. Cet équilibre fragile va voler en éclats. On retrouve ici la thématique de la famille, qui chez David Vann est un espace complexe et ambivalent : un lieu de protection et un espace hautement toxique, qui marque les individus à tout jamais, en bien comme en mal. C'est aussi un roman qui évoque la fragilité sociale des individus les moins nantis aux Etats-Unis : mine de rien, l'auteur pointe les dysfonctionnements d'un pays qui ne sait pas protéger la mère de Caitlin quand elle-même n'est qu'une adolescente, au point que tout ce qu'elle est mais aussi toute sa trajectoire sociale en sont marqués. Et puis il y a cette évocation de l'adolescence, ou plutôt de l'entrée dans l'adolescence de Caitlin, magnifiquement rendue : le détachement vis-à-vis des figures parentales, justement, l'éveil à la sexualité. Je ne l'ai pas précisé, mais nous savons que la narratrice, Caitlin, est adulte quand elle commence ce récit : c'est donc une adulte qui jette un regard sur cette période-clé de son histoire, qui l'a fondée en tant que personne. J'ai été très touchée par certains passages, comme celui-ci:
"Chaque jour était plus long qu'aujourd'hui, et ma propre fin pas encore envisageable. C'était un esprit plus simple, plus direct, plus réactif. Nous sommes nous-mêmes soumis à une évolution, chacun d'entre nous progressant d'une certaine vision du monde à une autre, chaque âge oubliant le précédent, chaque esprit effacé. Nous ne voyons plus du tout le même monde." (chapitre 10)
Pour finir, sachez que j'ai été d'autant plus surprise que je m'attendais au pire, à la tragédie totale. C'est parce que je ne savais pas de quoi il retournait, car David Vann n'en faisait pas mystère au moment de la sortie du livre : c'est son premier roman qui ne soit pas une tragédie. Ne vous attendez pas non plus à ce que tout le monde gambade joyeusement dans la campagne, le récit est dur, mais il est en même temps lumineux. En tout cas, il m'a touchée, émue, et je vais poursuivre ma route avec David Vann. 

David Vann, Aquarium (Aquarium), Gallmeister, 2016. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laura Derajinski. Publication originale : 2015. 

3 commentaires:

AMBROISIE a dit…

Bon, David Vann commence à m'intriguer sérieusement. Je lis beaucoup de chroniques sur beaucoup de ses livres et personne n'est jamais d'accord avec personne. Ce que je trouve génial personnellement parce qu'il arrive à déboussoler l'opinion public. Je vais essayer de m'en procurer un pour me forger un avis objectif.

La Petite Souris a dit…

un moment que je n'ai pas lu un roman de David Vann, auteur que j'affectionne pourtant ! ta chronique vient comme une piqure de rappel pour moi, d'autant que je n'ai pas lu celui ci ! ;)

Tasha Gennaro a dit…

@Anbroisie : je te le conseille!
@LaPetiteSouris: Après une première lecture sans passion, j'aime de plus en plus ce que je lis de lui! Celui-ci semble assez différent, d'après ce que lui-même dit : moins sombre, même si on n'est pas au pays de Oui-Oui.