dimanche 6 septembre 2015

Un amour impossible de Christine Angot


Présentation (extrait de la présentation éditeur)
Pierre et Rachel vivent une liaison courte mais intense à Châteauroux à la fin des années 1950. Pierre, érudit, issu d'une famille bourgeoise, fascine Rachel, employée à la Sécurité sociale. Il refuse de l'épouser, mais ils font un enfant. L'amour maternel devient pour Rachel et Christine le socle d'une vie heureuse. Pierre voit sa fille épisodiquement. 

Ce que j'en pense
Il y a des années de cela, j'ai lu deux romans de Christine Angot, je ne me souviens pas bien lesquels : c'était bien avant la publication de L'inceste. J'avais été intéressée, sans être touchée. J'ai donc abordé Un amour impossible sans impatience. La claque n'en a été que plus stupéfiante. 
Il y a avant toute chose la force émotionnelle de ce texte, bouleversant, puissant. Je n'ai rien en commun avec les trajectoires évoquées et pourtant, je suis touchée comme rarement par cette façon d'évoquer l'amour maternel, en ce qu'il peut avoir d'inconditionnel, de résolu. Du lien fusionnel de l'enfance au rejet adolescent, tout sonne juste, tout atteint le lecteur en plein coeur. Quant à l'histoire d'amour entre la mère, Rachel, et le père, Pierre, elle sonne aussi le lecteur, mais pour d'autres raisons. J'avoue avoir trouvé haïssable d'emblée le père tel qu'il est décrit ici: bourgeois au pire sens du terme, prétentieux, pénétré de sa propre importance et de sa propre supériorité. Il séduit pourtant la jeune femme, tout en la dominant. 
C'est l'autre aspect renversant d'Un amour impossible: Christine Angot y livre une explication percutante à la relation quelque peu perverse du père à la mère et à l'inceste subi par l'adolescente. C'est le même acte de domination sociale brutale qui s'exprime ici, sur la mère seule puis sur la mère via la fille. C'est la violence d'un homme bien né qui manie le langage à merveille et qui, tout en aimant Rachel, la mère, ne se résout pas à en faire son épouse légitime, parce que pauvre, parce que juive. Et chez ces gens-là, ça ne se fait pas. 
Du même coup, les choix stylistiques de Christine Angot, son rapport à la littérature également, prennent sens. La première page d'Un amour impossible écorche l'oeil, si je puis dire : il faut s'habituer à une syntaxe un peu heurtée, à un usage peu académique de la ponctuation, à cet enroulement des phrases portées par un rythme étonnant. Ce parti-pris prend sens avec l'explication sociale livrée à la fin du roman, Christine Angot se révolte contre l'ordre bourgeois, tenant d'une culture élitiste qui écrase les petits de sa hauteur, sans oublier de les corriger, dans tous les sens possibles. Elle se forge une langue littéraire qui s'écarte des attendus en matière de littérature et de la norme linguistique imposés par l'élite, elle pose son identité de fille de Rachel, qui en a fini d'avoir honte. 
Les critiques soulignent volontiers le caractère apaisé de ce roman. Je ne dirais pas apaisé. Un amour impossible est une déclaration d'amour et de respect à la mère, figure sublime de bout en bout. La colère est transcendée par cet amour. 
C'est bouleversant et d'une force rare. 

Christine Angot, Un amour impossible, Flammarion, 2015. Disponible en e-book.

6 commentaires:

keisha a dit…

Tu donnes envie de le lire! Pourtant l'auteur ,e m'attire pas...

Tasha Gennaro a dit…

Je suis loin d'être une lectrice assidue d'Angot, mais là, je dois dire...

Valérie a dit…

Tu me donnerais presque envie de le lire et tu ne peux pas savoir à quel point c'est un compliment.

Tasha Gennaro a dit…

Ah ben merci alors! 😊

Theoma a dit…

Je viens de le terminer. Bcp, bcp aimé. Tu en parles très bien.

Tasha Gennaro a dit…

Merci! ;-)