Présentation (4ème de couverture)
«Cet endroit donne tout son sens à notre combat, Patrick. Les gens de l’extérieur pensent que nous nous barricadons par peur d'autrui, par étroitesse d’esprit. Mais nous ne sommes pas hermétiques, bien au contraire. Et ceux qui nous taxent de racisme ont tort aussi. Personne n’est plus ouvert sur le monde que nous. Qui voyez-vous ici ? Des Suisses, des Norvégiens, des Suédois, des Américains, des Anglais… Des banquiers internationaux, des gestionnaires de capital multinational, des artistes qui voyagent partout sur le globe, des ingénieurs membres d’équipes polyglottes. Expliquez-moi qui d’autre pourrait être mieux au fait de l’état de notre époque ? Dites-moi de quelle expérience peuvent se prévaloir ceux de dehors ? Quel sort funeste les attend dans ce chaos égalitaire, ce monstrueux fourre-tout qu’ils ont eux-mêmes engendré ? Ce domaine que vous voyez est peut-être un des derniers où les valeurs, les règlements ont force de loi. Ce ne sont pas les races ni les religions qui nous préoccupent, mais la misère. Voilà ce que nous voudrions éradiquer. On pourrait considérer qu’en un sens, nous sommes les ultimes philanthropes.»
Mon avis
D'Antoine Chainas j'avais adoré
Versus, qui n'est pourtant pas une lecture plaisante, et les
romans suivants de l'auteur m'avaient plu sans que ce soit le même choc. Avec Pur j'ai
retrouvé du très grand Chainas, ou du moins le
Chainas qui m'avait stupéfiée avec Versus.
Deux univers vont se téléscoper ici : celui de Patrick, qui perd sa femme dans un accident de voiture, dans lequel tout semble accuser les occupants d'un autre véhicule, tous des jeunes d'origine immigrée. Dans une région et un pays gangrénés par le racisme, il n'en faut pas plus pour mettre le feu aux poudres. Et celui d'une résidence privée et surveillée, un ghetto pour riches qui veulent se protéger du monde et de ses supposés dangers...
L'intrigue est saisissante, sans temps mort, sans accélération
factice. Les personnages ont une force inouïe,
ni aimables ni odieux. Le final est éblouissant,
ne cède à aucune facilité, avec ce qu'il faut d'ambiguïté
pour glacer le sang et une puissance tragique parfaitement maîtrisée. C'est un grand roman noir, qui secoue le lecteur
(sans le brutaliser), le questionne et ne lui assène
jamais de réponse en forme
d'évidence.
Quant au style de Chainas, il est extraordinaire, sec, ciselé. Pas un mot en trop, pas
d'emphase ou de lyrisme, une sécheresse
qui n'empêche pas la beauté et la précision.
Roman après
roman, Chainas construit une œuvre
de premier plan et c'est passionnant de le lire. Si vous n'avez jamais lu
Chainas, c'est peut-être
par celui-ci qu'il faut commencer. En tout cas, je ne saurais trop vous
recommander de lire Antoine Chainas, à
mon sens un des très grands du roman noir français.
A lire, le billet de Jean-Marc Laherrère, ici.
Antoine Chainas, Pur, Gallimard/Série noire, 2013.
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