Présentation éditeur
East,
quinze ans, est chef des guetteurs devant la taule, une maison où l’on vend et
consomme de la dope, dans un ghetto de Los Angeles.
On
ne saura jamais pourquoi ni comment, car la petite bande n’a rien vu venir,
mais un jour les flics débarquent.
La
taule est fermée, East doit se racheter.
En
allant dans le Wisconsin éliminer un juge, témoin compromettant. Accompagné de
son frère Ty, douze ans et complètement fêlé, d’un pseudo-étudiant et d’un gros
plutôt futé. Sans armes, avec de faux papiers et quelques dollars en poche.
À
bord du monospace bleu pouilleux qui quitte le soleil californien pour le froid
des Grands Lacs, l’ambiance est de plus en plus crispée. Et, à l’arrivée, rien
ne se passera comme prévu.
Ce que j’en pense
Voilà une belle surprise aux éditions du Seuil, dans la collection
Seuil Policier que je ne fréquente plus tant que ça, par ailleurs. L’équipée
criminelle de ces quatre gamins d’un ghetto noir de L.A. m’a d’abord plu par
son absence de frénésie. Si le roman n’est pas dépourvu d’accélérations et de
montées d’adrénaline, il ne maintient pas son lecteur son tension du début à la
fin. Non, il y a quelque chose de contemplatif dans l’expérience vécue par
East, qui sort pour la première fois de son quartier. Il y a même une certaine
lenteur dans ce roman, et c’est très bien.
Ce road-trip vers une cible à abattre est à la fois un roman noir et
un voyage intérieur, une sorte d’épopée qui révèle East à lui-même, loin des
déterminations du ghetto. Le petit guetteur des « Boîtes » pense
ainsi s’endurcir à l’épreuve de la violence et du meurtre, mais d’une certaine
façon au contraire il s’attendrit : comprenez qu’il se débarrasse de
certains réflexes conditionnés du ghetto, qu’il mue et se découvre autre. La
plus belle partie du roman est à mon sens « Ohio » : en Perry,
East, alias Antoine, trouve une sorte de père de substitution, et en gagnant sa
confiance, il devient moins étranger aux yeux des blancs qui fréquentent son
entreprise de « paint ball », les stigmates du ghetto et de la
couleur de peau s’estompent.
Tandis que East se découvre au fil de ce road-trip vers l’est (East,
est), l’auteur rappelle au lecteur à quel point l’Amérique est clivée, et met
en son cœur la question des stigmates sociaux. East et ses compères attirent l’attention
par leur couleur de peau, par leur origine sociale et géographique, qui est le
ghetto. Tout les rend repérables et par là même suspects aux yeux des blancs,
leur démarche, leur diction, leur façon de se comporter. Ils ne se fondent
jamais dans le paysage, ils sont déplacés partout, dans tous les sens du terme.
East va pourtant trouver une forme de place au sein d’une autre communauté de
défavorisés : ceux-là ne sont pas déplacés comme lui, ils sont déclassés.
Ce sont ces petits blancs de l’Ohio, dont les pères ont connu une forme de
prospérité dans les industries de l’état, et qui ne sont plus rien désormais.
Il y a des points communs entre les petits noirs du ghetto et les petits blancs
de l’Amérique désindustrialisée, cette conscience de ne compter pour rien ou
pour pas grand-chose.
Dodgers est un
très beau roman noir, tragique et émouvant. Je suivrai désormais avec intérêt
les parutions de Bill Beverly.
Un avis négatif : celui de Wollanup ici.
Bill Beverly, Dodgers (Dodgers), Seuil Policiers, 2016. Traduit
de l’anglais (Etats-Unis) par Samuel Todd. Publication originale : 2016. Disponible
en ebook.
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