vendredi 8 juillet 2016

Green Room de Jeremy Saulnier



De Jeremy Saulnier j'avais vu et adoré Blue Ruin, superbe film noir et je ne voulais pas manquer Green Room, même si le mélange de fiction criminelle et d'horreur m'effrayait un peu. L'argument est simple et efficace: un jeune groupe punk se voit proposer un concert imprévu, dans un coin perdu, et juste après le show, tombe sur un cadavre dans les loges... Ils deviennent des témoins gênants à éliminer dans ce qui n'est rien d'autre qu'un repaire de skinheads (du genre franchement nazis et suprématie blanche). L'enjeu est pour les uns de les supprimer, pour les autres de sortir de ce coupe-gorge vivants. Le film mêle les codes du thriller et du survival horror, et s'il y a quelques scènes gore, elles sont brèves. Certes, ça tranche dans le vif, ça explose membres et cervelles, ça égorge un peu, ça dévore, mais rien de complaisant. En revanche, Jeremy Saulnier sait parfaitement faire monter la tension et jouer avec les nerfs du spectateur, surtout quand il ne montre rien d'horrible. 
La mise en scène est somptueuse, je n'en attendais pas moins du réalisateur qui m'avait tant séduite avec Blue Ruin : au coeur même de l'horreur il ménage des plans, des ralentissements, c'est d'une grande beauté. 
Pourtant, le film n'est pas un coup de coeur comme l'avait été Blue Ruin : je crois qu'à mes yeux, il manque un peu de chair (suis-je drôle) à ce film et surtout à ses personnages. Le début met bien en place le groupe et ses membres, la galère et les joies d'un groupe confidentiel, mais au final, nul n'acquiert vraiment de profondeur, comme si Jeremy Saulnier s'était attaché d'abord à un exercice de style (réussi), sans prendre le temps de développer les personnages. Peut-être n'est-ce pas le but, d'ailleurs, et il est possible que j'attende quelque chose qui n'existe pas dans le survival (genre que je fréquente peu, ça me fiche les jetons). Mais cela m'a manqué, car je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages. Je dois cependant signaler la performance de Macon Blair, alias Gabe, le seul à sauver parmi les affreux. C'est l'acteur de Blue Ruin, le précieux allié de Jeremy Saulnier, et ce type sait faire exister un personnage d'un regard, d'un geste. N'allez pas croire que les autres jouent mal: non, ils sont très bons, mais je n'ai pas eu l'impression d'avoir eu affaire à des êtres, juste à des actants dans un survival. 
Au final, Green Room mérite d'être vu, notamment par ceux qui aiment ce type de film: ils verront ici un joli travail, qui se passe fort bien d'un budget pharaonique et d'une bande originale qui scie les nerfs. Les amateurs de noir ou de thriller resteront peut-être un peu sur leur faim, après Blue Ruin. Quant à moi, j'attends déjà le prochain film du réalisateur. 

Jeremy Saulnier, Green Room, USA, Broad Green Pictures, Film Science, 2016, 95 minutes. 

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