mercredi 2 septembre 2015

Toute la lumière que nous ne pouvons voir d'Anthony Doerr


Présentation
Des années 30 à la Seconde Guerre Mondiale, nous suivons les destins de Marie-Laure et de Werner. L'une est aveugle et vit avec son père à Paris, l'autre est orphelin et grandit dans la Ruhr. Leurs destins vont s'entrelacer à Saint Malo sous le feu des bombardements alliés pendant l'été 44. 

Ce que j'en pense
C'était la lecture inattendue de l'été et l'une des meilleures surprises de ces derniers mois. Certes, j'avais beaucoup vu passer ce livre sur les blogs, constaté qu'il se vendait bien, mais le sujet ne m'attirait pas. Et puis, hasard des suggestions et envies de lecture (ai-je déjà dit à quel point j'étais versatile?), j'ai commencé le roman. Sans enthousiasme d'abord, et j'ai d'ailleurs suspendu ma lecture par une nuit sans sommeil pour me tourner vers Eva de Simon Liberati. Et puis je suis revenue vers Toute la lumière que nous ne pouvons voir, et je ne l'ai plus lâché, pour ainsi dire. 
J'ai aimé cette construction en rapides chapitres qui rythment la lecture et le récit, en alternant les époques (avant-guerre, guerre saisie à plusieurs moments) et les points de vue. 
Les personnages m'ont bouleversée, tous, excepté von Rumpel (qui doit être touchant mais qui constituait une telle menace que je ne me suis pas laissée attendrir, non mais). Marie-Laure et Werner sont les deux jeunes protagonistes et héros de ce drôle de récit de guerre, bouleversants de manière différente. Ils ont pourtant en commun d'être nés à la mauvaise époque, au mauvais endroit, et sont tous les deux à leur façon inadaptés à cette époque de sauvagerie. Werner m'a particulièrement touchée, peut-être parce qu'il est du mauvais côté, sans prédisposition au mal. 
A leurs côtés, il y a toute une galerie de personnages réussis et touchants. Volkheimer, adolescent à peine plus âgé que Werner, pourrait être abordé comme un monstre: ce géant a une force qui le conduit, sous la houlette du nazisme, a être un tueur sans scrupule. Pourtant, il touche par son amitié taciturne avec le petit et rêveur Werner, sa loyauté inaltérable tout au long de la guerre et même au-delà. Frederick est une autre âme broyée par le nazisme, un enfant né dans la mauvaise famille, qui attend beaucoup de lui: on comprend que ses riches parents s'emparent sans vergogne du logement d'une femme juive à Berlin, situé plus haut dans leur immeuble. Mais lui n'est fasciné que par une chose : les oiseaux. Il le paiera de sa vie ou presque. J'ai beaucoup aimé Etienne, fracassé par la Première Guerre Mondiale et qui va se surpasser par affection pour la petite Marie-Laure. 
Il y a beaucoup d'humanité dans ces personnages, mais n'allez pas croire que Anthony Doerr a une vision angélique: il ne fait pas l'impasse sur les dénonciations, l'abjection, la violence animale qui prend les dehors de la civilisation et qui habite les deux camps. Il évoque comme personnage le siège et la destruction quasi totale de Saint Malo et ce que c'est que d'y survivre sans yeux. 
Le récit gagne en intensité, s'accélère, jusqu'au final somptueux et déchirant. 
C'est l'une des lectures les plus puissantes de mon été, le genre de livre dans lequel je veux avancer tout en regrettant d'approcher inexorablement des dernières pages... Le bonheur, quoi. 

Anthony Doerr, Toute la lumière que nous ne pouvons voir (All the Light We Cannot See), Albin Michel, 2015. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Valérie Malfoy. Publication originale: 2014. Disponible en e-book. Prix Pulitzer.

5 commentaires:

keisha a dit…

Finalement je change d'avis sur ce roman, je pourrai tenter...

Tasha Gennaro a dit…

C'était le livre inattendu de l'été pour moi!

Electra a dit…

Contente de voir que tu as ressenti la même émotion et le même coup de coeur pour ce roman ! J'avais adoré et certains personnages sont très touchants comme le petit Werner et les oiseaux .. un très beau moment de lecture !

Brize a dit…

Tu sais que, à cause de (ou grâce à ?) toi, je l'ai remis en réservation alors que je l'avais annulée deux jours avant (la réservation), parce qu'en ce moment, côté lectures, j'ai les yeux plus gros que le ventre ! Du coup je me suis dit qu'on verrait bien quand il tomberait (avec les réservations, on ne sait jamais, la preuve, le bouquin s'est déjà avéré disponible pour moi une première fois alors que je venais de partir en vacances, donc j'avais annulé cette réservation initiale... pour la relancer quelques semaines plus tard etc. Un vrai feuilleton !).

Tasha Gennaro a dit…

@Electra : oui, un très beau moment de lecture, un vrai coup de coeur. Le petit Werner est l'un des plus beaux personnages c'est vrai!
@Brize : Niark niark niark ! Et j'attends la suite et la fin du feuilleton. Il y a des livres comme ça qui prennent leur temps pour parvenir jusqu'à nous. ;-)