vendredi 17 juillet 2015

Bloody Cocktail de James M. Cain


Présentation (éditeur)
Hyattsville, Maryland, début des années 1960. Joan Medford, une jeune veuve soupçonnée d’avoir provoqué l’accident de voiture dans lequel a péri son mari violent et alcoolique, est obligée de trouver rapidement un travail pour obtenir la garde de son fils, placé chez sa belle-sœur qui la hait.
Grâce à l’aide d’un officier de police bienveillant, Joan devient serveuse dans un bar à cocktails de luxe, le Garden of Roses.
Là, elle fait la connaissance de deux habitués, Earl K. White III, un vieil homme d’affaires richissime, et Tom Barclay, un jeune homme fougueux nourrissant des ambitions politiques.
Entre les deux, son cœur ne balance pas. Pourtant, la jeune femme décide d’accepter la demande en mariage de White. Peut-on refuser quoi que ce soit à un homme qui vous laisse des pourboires de 50 000 dollars ?

Ce que j'en pense
J’ai adoré ce roman. D’abord pour son côté « retour aux fondamentaux », James M. Cain étant un grand du genre, avant participé aux fondations du roman noir dans ce qu’il a de meilleur à mes yeux. Ensuite parce que d’un point de vue narratif, c’est très malin. Enfin parce que l’édition est très intéressante, le manuscrit - tardif - offrant plusieurs possibilités de dénouement à un éditeur qui nous expose avec intelligence ses choix. 
On retrouve ici des motifs et des figures qui ont fondé le genre, dans son versant « trajectoires ordinaires et tragiques » mais aussi dans son versant « dissection psycho-sociale de l’humanité ». Une jeune veuve hautement suspecte de la mort de son défunt mari, un homme qui la frappait pet passait son temps à boire, une bombe sexuelle, une de ces femmes fatales, voire létales, comme le roman noir a si bien su les développer; des hommes qui sont raides d’elle, entre vieil homme riche et jeune loup séduisant; une amie aux conseils avisés, une de ces nanas au bon sens salutaire et  à la loyauté indéfectible comme le polar US a su si bien les brosser… Les ingrédients sont là pour que tout se noue, pour le pire. 
Tout ça pourrait sembler bien classique, mais c’est sans compter sur la maîtrise du vieux renard qu’est James M. Cain, son talent ne s’étant pas le moins du monde émoussé : il choisit de nous raconter l’histoire du point de vue de la femme fatale, et ça c’est très fort. On a rarement le point de vue féminin dans ces histoires, vues plutôt par les hommes, avec un regard qui fait des femmes des garces ou des victimes, c’est selon. Et la force de Cain, c’est de ne pas nous amener à trancher concernant Joan: tour à tour bombe sexuelle, mère désespérée, amoureuse, rouée, elle ne permet pas au lecteur de la juger coupable ou innocente. 
J’ai dévoré ce court roman et la postface de l’éditeur, je suis ressortie de ma lecture contente d’avoir fait avec James M. Cain un dernier tour de piste qui démontre, une fois encore, son immense talent. 


James M. Cain, Bloody Cocktail (The Cocktail Waitress), Editions de l’Archipel, 2014. Edition établie par Charles Ardai. Publication originale : 2012. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Brérignon. Disponible en e-book. 

1 commentaire:

Tasha Gennaro a dit…

Ah! Le Facteur sonne toujours deux fois, un classique et un grand moment de lecture pour moi. Evidemment, on peut avoir le film (très bien aussi) en tête, mais cela n'émousse pas l'intérêt du roman : style dépouillé, écriture behavioriste, comportements passés au scalpel!