Un petit bout de bibliothèque (littérature française)
Lorsque j’évoque la lecture numérique, ma liseuse, vos commentaires
évoquent souvent vos réticences à passer à la lecture numérique, ce que je
comprends fort bien, surtout au vu de l’attitude des éditeurs eux-mêmes (offre, prix, DRM) et des
législateurs face à ce nouveau mode de lecture… Du coup, j’ai eu envie de
revenir sur ce qui m’a amenée à passer au numérique. Ce billet ne se veut pas prosélyte en la matière, il est simplement le témoignage de mon expérience. Cela fait un moment que je songe à ce billet, et je ne vois pas comment faire court, désolée...
Avant toute chose, quelques indications sur mon profil de lectrice. Je ne suis
pas une digital native puisque j’ai
une petite quarantaine d’années. Je ne suis pas geek mais je suis bien équipée en appareils numériques, autant par nécessité professionnelle que par intérêt personnel. Je vis en milieu urbain, j'ai donc des librairies et des bibliothèques à proximité.
Je serais classée par les sociologues dans la
catégorie des gros lecteurs : pour mes loisirs et pour les seuls romans,
je lis généralement entre six et douze livres par mois, avec bien sûr des
fluctuations liées aux circonstances (cf. mon opération de la rétine cet
automne). J’aime lire depuis que je sais lire et n’ai jamais connu de pause en
la matière.
J’ai fréquenté les bibliothèques mais pour l’essentiel et depuis
l’enfance, j’achète les livres que je lis. J’ai beaucoup de mal à ressortir
d’une librairie sans avoir acheté PLUSIEURS livres, ce qui me vaut une somme
considérable de livres non lus, parce que je n’ai que deux yeux. A la maison,
il y a des livres (presque) dans chaque pièce. Et j’aime ça. Ma maison se passe
fort bien de fleurs, mais pas de livres.
Bref, je suis une grosse lectrice ET une grosse acheteuse, comme je
l’ai dit, je peux me le permettre, j’ai de la chance. J’aime les livres,
l’objet mais surtout ce qu’il contient.
Comment et pourquoi suis-je arrivée à cet étrange et apparemment
rudimentaire objet qu’est la liseuse ?
Remarque préalable : la première fois que j’ai vu une liseuse, il
y a quelques années, j’ai trouvé ça moche, peu ergonomique, je n’avais pas
envie de lire un livre avec ça. Aujourd'hui encore, je comprends qu'on trouve l'objet peu attirant quand on compare avec les livres (en particulier les grands formats).
So what ?
Mon logement n’est pas minuscule mais pas très grand non plus. Je l’ai
dit, il y a des livres dans presque toutes les pièces, parfois sur des murs
entiers. Mon conjoint est un gros lecteur lui aussi, qui plus est passionné de
BD. Le résultat est que nous commençons à arriver au bout de nos astuces de
réaménagement pour stocker les livres et les albums. J’en suis à envisager de
remiser certains livres dans le garage, dans des caisses, ce qui est un
crève-cœur. J'oublie parfois que j'ai certains livres, parce qu'il y en a tant que je ne les retrouve pas (et je les rachète si j'en ai besoin!!!). Je n’ai aucune envie de finir mes jours comme ces vieux qui font
des piles de livres partout par terre et se déplacent entre des colonnes de
bouquins hautes de plus d’un mètre. Je n’envisage pas de me séparer d’un nombre
significatif de livres, rien en tout cas qui pourrait compenser les achats. Je
n’envisage pas non plus de cesser d’acheter des livres. Je n'ai pas les moyens de changer de maison (et pas envie) pour avoir plus de place.
Un bout de ma bibliothèque "polars"
(double rangée de rigueur sur chaque étagère)
Je me déplace beaucoup. Même quand
je sais avoir un déplacement professionnel qui ne me laissera pas une minute de
répit, il me semble impossible de partir sans lecture, ne serait-ce que pour le
trajet (qui s’effectue rarement en voiture). Outre le fait qu’un livre fait
rarement la durée d’un déplacement, j’aime bien choisir entre plusieurs livres,
mes envies changent très vite, donc je pars rarement avec un seul livre. Tout
ça pèse son poids et je ne suis plus de première fraîcheur, j’essaie d’épargner
mon dos souvent en vrac (la vieillesse est un naufrage).
J’ai donc commencé à m’intéresser aux liseuses mais c’est mon conjoint
qui m’a offert la première. Je l’ai utilisée tout de suite, avec régularité,
mais le livre papier continuait à dominer mes lectures, ne serait-ce que parce
que l’offre française était encore pauvre. Cependant, quelque chose s’était
déclenché, et j’ai commencé à suivre l’actualité technologique des liseuses, à
me passionner pour l’objet. Les éditeurs ont commencé à s’y mettre plus
sérieusement, même si je déplore que certaines nouveautés ne sortent pas en
numérique. La qualité des ebooks est parfois consternante, surtout eu égard à
leur prix, les DRM me tapent sur les nerfs, la mauvaise foi et la condescendance de certains éditeurs envers les
lecteurs de numérique m’affligent, mais le fait est : je suis conquise par
la lecture numérique, et quelles que soient
les tentatives pour tuer ce marché dans l’œuf, je ne reviendrai pas en
arrière. Aujourd’hui, si j’ai le choix entre l’édition numérique et l’édition
papier, j’achète systématiquement l’édition numérique (sauf si elle est plus
chère). Il y a le fameux gain de place, c’est évident, je n’y reviens pas. Je
ne culpabilise plus quand j’achète un livre en pensant à l’endroit où je vais
pouvoir le caser. Je pars en déplacement avec ma liseuse dans mon sac et tous
les livres que je veux, c’est le bonheur et mon dos me dit merci !
Mais il y a plus. Je préfère aujourd’hui de très loin lire sur ma
liseuse :
- j’aime la légèreté de l’objet et sa maniabilité. Pas de pavé qui me
pèse sur les bras, je tiens ma liseuse d’une main. En termes d'immersion dans le livre, j'oublie complètement l'objet, pas de différence là-dessus avec l'objet-livre.
- Pour moi dont la vue a été un sujet sensible ces derniers temps,
c’est une amélioration considérable. J’ajuste les caractères, je choisis la police, et je peux
même retirer mes lunettes pour lire le soir. Mieux encore : depuis
quelques mois, j’ai fait l’acquisition d’une liseuse avec éclairage intégré. Désormais, peu
m’importe l’environnement, je n’ai pas à chercher une source de lumière, je lis
et c’est tout. Dans les transports en commun ou les cafés, c’est essentiel. Et pour ceux qui se
poseraient la question, lire sur liseuse, même avec éclairage intégré, ne fatigue pas la vue, l’objet n’ayant
rien à voir avec les ordinateurs ou tablettes, qui sont rétro-éclairés (donc qui fatiguent la vue).
Le résultat pour moi et pour les gens qui autour de moi lisent sur
liseuse ? Nous lisons plus depuis que nous en avons une. De fait, je
parlais d’une fourchette de 6 à 12 livres par mois en ce qui me concerne, mais
depuis que j’ai une liseuse, c’est plus souvent proche de 12.
Face à tout cela, les objections comptent peu à mes yeux, mais elles existent bel et bien:
- le prix des ebooks (cf. mon billet « les éditeurs
français ») ;
- l’impossibilité de prêter les
livres ;
- la difficulté pour feuilleter (l'objection majeure pour moi);
- le devenir des formats;
- la qualité parfois médiocre des ebooks, témoin du mépris français en la matière. Le fait est que ça s’améliore tout doucement. Et d’ailleurs, les livres papier ne sont pas sans défaut. Je ne
parle pas des textes témoignant de relectures défaillantes, fréquentes ces
dernières années, mais de la qualité même de l’objet : impression à bas
prix (parfois aux antipodes), reliures cheap
et bouquins qui se désagrègent, choix de polices minuscules… Et ce n'est pas nouveau. Quand je vois mes
Balzac et mes Zola achetés en poche dans les années 80 et 90, je me dis que je
ne peux plus lire ça, c’est écrit trop petit et trop serré (et imprimé trop
baveux)… Et mes GF ou mes petits classiques sont en kit depuis bien longtemps,
feuilles volantes ou couverture détachée ! Bref, ne faisons pas comme si
les éditions papier étaient toujours soignées… Surtout en poche et dans les littératures de genres...
Voilà. Moi, grosse lectrice, j’aime la lecture sur liseuse. Je pense
que l’objet est perfectible. Mais tel qu’il est, il me procure déjà un bénéfice
considérable. D’autres fervents lecteurs ont été
rebutés par l’objet, l’adhésion n’a rien d’automatique. Et je ne crois pas les Cassandre qui annoncent la mort du livre papier, pas plus que je ne crois ceux qui pensent que la lecture numérique est une impasse. Les usages sont complémentaires.
Pour ceux que ça intéresse, une recommandation : le blog d’Aldus (ici), la référence en la matière pour moi, une mine d’informations, de la part de quelqu’un de très éclairé sur la chaîne
du livre et le milieu de l’édition en France (et ailleurs). Et ce billet, déjà un peu ancien mais intéressant (et drôle), de Lionel Davoust (sa phrase sur l'Académie française et le mot ebook, hilarante).
Sur ce, je vous laisse, ma liseuse est rechargée (son autonomie est si
grande que j’ai tendance à oublier qu’elle a tout de même besoin d’être
alimentée de temps en temps), des livres m’attendent…
(évidemment, cadrage maison, pas terrible...)
5 commentaires:
J'ai lu jusqu'au bout et ai retrouvé certains de mes défauts de lectrice (les livres qui s'entassent pendant des années, dont certains ne seront sans doute jamais lus) mais je ne suis pas prête à passer au numérique. Pas envie de me pencher sur une machine de plus. Je serai peut-être vaincue le jours où mes vieilles douleurs deviendront trop fortes.
La seule fois où j'ai rechargé une liseuse (empruntée) c'était long. Bon, c'était un vieux modèle et je ne suis pas forcément adroite, mais j'ai quand même été douchée.
@Aifelle: remarque, on a de bonnes surprises parfois avec les livres entassés ("Oh! j'ai acheté ça? ça a l'air drôlement bien")... C'est vrai, beaucoup de machines : l'horreur, c'est pour passer aux contrôles des aéroports, on a un peu l'air dingue avec tous ces bidules électroniques....
@Kesha: c'est vrai, c'est très long (sauf le Sony Reader, dernier modèle, apparemment TRES rapide à charger). Mais en même temps, c'est fait pour dix jours de lecture intensive... Donc au final c'est une charge rentable, plus que pour un téléphone!
Je me retrouve assez dans ton billet... je n'éprouve pas trop d'attachement pour mes livres et pour faire de la place, revends et donne pas mal. Mais j'apprécie la liseuse surtout en voyage et pour reposer la vue (fatiguée par l'ordinateur, hum hum...)
Oui, l'ordinateur tue les yeux et parfois, j'éprouve un grand découragement en ouvrant un livre imprimé petit... La liseuse est bienvenue dans ces moments-là!
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