Présentation (quatrième de
couverture)
Callie, ex-prostituée camée à la cocaïne, réussit le casse du siècle en
braquant la banque de son mari : un million de dollars à partager avec
Luther Grimes, un vétéran du Vietnam reconverti dans le trafic de stupéfiants.
Pour doubler son complice, la belle séduit son frère, Cicero Grimes, un psy
déjanté. Et le capitaine Jefferson, un flic sadique, espère bien récupérer sa
part du butin…
(franchement, j’ai renoncé à
faire mieux, par paresse, mais ce prière d’insérer n’est pas terrible, il
rabaisse le roman à du déjà-vu)
Mon avis
Après Doglands, cap sur la
production adulte de Tim Willocks. Comme je ne voulais pas me lancer dans la
lecture de La Religion, j’ai opté
pour ce roman noir, Bad City Blues,
titre prometteur s’il en est… Je n’ai pas été déçue.
Une fois de plus, c’est du très très noir, ultra-violent, et je
reconnais qu’on n’est pas obligé d’aimer. Les personnages sont tous aussi
déjantés les uns que les autres, hors normes, et tout n’est ici que sexe,
violence et larmes. L’intrigue en elle-même, si on la résume, n’est pas si
originale : une femme, deux hommes qui sont ses amants, un flic pourri
jusqu’à la moelle, et un fabuleux magot convoité par chacun d’entre eux (je
simplifie). Mais l’essentiel n’est pas là, l’écriture et le traitement des
personnages font tout l’intérêt de ce roman.
Aucun personnage n’est aimable, tous sont intéressants. Enfin, je dis
tous, mais à la vérité, on a là du roman fortement « testostéroné »
(j’invente un mot, non ?). Callie et la fugitive Anna, à mon sens,
n’acquièrent pas de véritable épaisseur. Certes, on sent bien que la seule
chose qui importe à Callie est son indépendance, la volonté de ne plus être
soumise à la volonté d’aucun homme, mais les personnages qui intéressent l’auteur,
et le lecteur avec lui, sont les personnages masculins. Tous sont à mon sens détestables
et passionnants tout à la fois. Jefferson est un spécimen réussi d’ordure
complexe, mais j’ai été beaucoup plus touchée par les trois membres de la
famille Grimes. Jefferson, George, Luther et Eugene Grimes, ainsi que Carter,
présent au tout début du roman, interrogent chacun à leur manière notre rapport
à la violence, celle de l’autre, la leur surtout, liée à leur histoire. A un
extrême, on a Carter, bigot et banquier qui fait le choix de l’hypocrisie,
masquant ses pulsions de domination sous sa foi religieuse ; à l’autre
extrême on a Jefferson, qui est très tôt confronté à la violence (sous l’une de
ses formes les plus abjectes probablement) et qui connaît celle qu’il porte,
celle des autres, et en use et abuse, sans illusion sur lui-même et les autres.
Si ce n’est qu’il emprunte le masque de la respectabilité que lui confèrent ses
fonctions (Carter en fait les frais), on sent bien qu’il n’y a pas d’hypocrisie
en lui. La famille Grimes est elle aussi enfermée dans un cycle de violence
(auto)destructrice. Le père, personnage magnifique à mes yeux, a usé de sa
violence en essayant de lui donner du sens (la révolte sociale), tout en
sachant quelles pulsions destructrices l’animaient alors, conscient aussi des
conséquences terrifiantes que ses choix ont eu sur ses fils. Luther, le fils
aîné, a fait très tôt le choix de la violence la plus extrême, devenant un
« psychopathe discipliné en quête de la mort » : un soldat. Combattant
redoutable, il commet l’irréparable violence qui bouleverse la vie de son frère
avant de prendre la fuite, lequel s’est juré de le retrouver et de le tuer. Ce
frère, justement, Eugène Grimes, est tout aussi torturé que son aîné : il
est celui qui tient le plus efficacement sa violence en laisse, du moins
jusqu’à sa rencontre avec Callie, dont son frère est l’artisan. Ses pulsions
sont tout aussi sombres que celles de Luther.
Chez Willocks, personne n’est innocent, personne n’échappe à la
violence du monde, pas plus qu’à ses pulsions de mort. C’est tout l’intérêt à
mon sens de ce roman : la vision, extrêmement sombre, de l’humain, qui est
en même temps une vision déchirante, tragique, bouleversante. Personne n’est
innocent, mais tout le monde essaie de composer avec cette donnée – à part
Jefferson, plus désabusé que les autres personnages – et de limiter les dégâts.
Il y a quelques scènes particulièrement réussies ou qui en tout cas
m’ont davantage touchée : le face-à-face entre Luther et son père, les
dialogues entre Jefferson et Grimes. L’ensemble du roman est parfaitement
maîtrisé : on ne souffle pas mais on ne s’essouffle pas non plus. C’est un
univers oppressant comme le bayou, poisseux comme les bas-fonds de la
Nouvelle-Orléans, d’une noirceur telle qu’il est un peu difficile de passer à
autre chose, d’entrer dans un autre roman. Un conseil : avant de refermer
le livre, relisez le prologue, qui prend alors tout son sens (mais qui est un
peu cryptique à la première lecture)…
Pour qui ?
Pour les amateurs de roman noir TRES noir.
Le mot de la fin
Je le laisse à Tim Willocks, dans une évocation de la Nouvelle Orleans
qui synthétise toute la noirceur de cet univers :
« La ville était un puzzle dément de splendeur et de ruine, de
joie et de tristesse, de régénération et de pourriture. Contrairement aux
villes plus récentes à la croissance démesurée qui, sur les côtes Est et Ouest,
attiraient l’attention par leurs cris, ou au monstre austère, tapi sur les
rives du lac Michigan, la ville existait depuis trop longtemps et elle en avait
trop vu pour ressentir la nécessité de porter un masque particulier. C’était un
sac rempli pêle-mêle de tout ce putain de monde, que l’on avait secoué et vidé
sur une langue de terre, à la lisière du continent où, avec un peu de chance,
le reste du pays ne lui prêterait pas trop attention. »
Tim Willocks, Bad City Blues
(Bad City Blues), Editions de
l’Olivier, 1999. Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Elisabeth Peellaert. Lu
dans l’édition Points/Roman noir. Publication originale : Random House,
1991.
Et hop! un roman qui entre dans le challenge de Myrtille:
6 commentaires:
J'ai beaucoup aimé ce roman. Et pourtant je ne me souvenais pas du tout de l'intrigue !! Ce que j'ai aimé c'est effectivement ce côté très noir, très psychologiquement noir. Je me souviens avoir vu le film batman "the dark knight" peu de temps après avoir lu bad city blues et j'y ai trouvé une forte similitude au niveau de la violence et de comment ça vous prend aux tripes...
Ah j'adore les Batman de Nolan et en particulier The Dark Knight!
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Te voilà mure pour la suite : Les rois écarlates, tout aussi noir, tout aussi bon !
Oui, d'autant que je me demande quel genre de suite ce sera, ça m'intrigue...
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