samedi 16 février 2019

Vergne Kevin de Marianne Peyronnet


Présentation (4ème de couverture)
Kevin Vergne a dix-huit ans, et du temps pour entretenir sa haine du monde. il gagne sa pitance en braconnant la nuit. Au détour d'un camp de Roms s'invite alors la sauvagerie. 

Ce que j'en pense
Alors c'est certain, ce n'est pas ce roman qui me fera changer d'avis sur la campagne. Nous sommes ici dans ce que Marianne Peyronnet appellerait elle-même du rural bien profond, et du rural bien bien noir, pourrait-on ajouter. D'une certaine façon, le personnage est issu de cette France périphérique que la littérature peint ces derniers temps; il a grandi dans un pavillon semblable à tous les autres dans un lotissement sans âme d'une bourgade à l'écart de la "grande" ville voisine et pourtant si loin, Disgrasse, entre deux parents ordinaires et à ses yeux terrifiants de médiocrité aliénée. Il pourrait être sympathique, Kevin, il est un peu touchant quand il repense aux étés passés avec son pépé. Mais Kevin est une boule de haine, qui ne trouve de joie que dans l'avilissement d'autrui ou dans le meurtre d'animaux, puis... Puis vous verrez bien, car tout se met en place très vite pour que le pire advienne. 
Point de rédemption ici, pas plus que de vision bucolique d'une nature hostile mais si belle. Non, la ruralité est avant tout le lieu où survivent des êtres paumés, rejetés par tout, et qui pour certains se vautrent dans leur bêtise, leur méchanceté et leur crasse. Marianne Peyronnet ne les juge pas, elle reste à distance par une narration sobre, sans fioritures et par là même très forte, qui tape juste et noir. A vrai dire, elle ne nous impose rien, elle ne nous dit pas quoi penser. Elle montre ces campagnes à l'abandon, le chaos social qui s'y insinue, la violence des hommes. Tout au plus peut-on percevoir de l'ironie, par exemple quand nos personnages de ruraux bien profonds jouent les dégoûtés face à la crasse de leur proie alors qu'eux-mêmes empestent et vivent dans une bauge innommable. 
C'est en tout cas un roman très fort que livre Marianne Peyronnet, que l'on peut inscrire dans le rural noir, mais qui déjoue certains clichés de ce type de romans, qu'on voit déjà fleurir, hélas! Cruel, nihiliste, Vergne Kevin n'embaume pas les vertes prairies, il ausculte la noirceur humaine sans concession. Il faudra avoir à l'oeil Marianne Peyronnet dans les années à venir, c'est sûr. 

Marianne Peyronnet, Vergne Kevin, Fleur sauvage, 2019.

2 commentaires:

Electra a dit…

au fil de ma lecture de ton billet, j'ai fini par penser ce que tu as dit tout haut et fort : on voit fleurir ce type de roman noir un peu partout. Je suis heureuse de voir que toute la France, et pas uniquement le microcosme parisien a droit aux honneurs mais bizarrement les livres sont tous très sombres ...

Tasha Gennaro a dit…

Oui, la province et la campagne ne semblent pas appeler de visions réjouissantes... Il faut dire qu'elles sont bien abandonnées.