mercredi 27 février 2019

La vague d'Ingrid Astier


Présentation éditeur
Sur la presqu’île de Tahiti, la fin de la route est le début de tous les possibles. Chacun vient y chercher l’aventure. Pour les plus téméraires, elle porte le nom de Teahupo’o, la plus belle vague du monde.
La plus dangereuse aussi. Hiro est le surfeur légendaire de La Vague. Après sept ans d’absence, sa sœur Moea retrouve leur vallée luxuriante. Et Birdy, un ancien champion de surf brisé par le récif. Arrive Taj, un Hawaïen sous ice, qui pense que tout lui appartient.
Mais on ne touche pas impunément au paradis.
Bienvenue en enfer.
Ici c’est Teahupo’o, le mur de crânes.


Ce que j'en pense
Ingrid Astier a une étonnante capacité à se renouveler, tout en gardant une cohérence de roman en roman. Cette fois, elle emmène son lecteur à Tahiti, et pose une galerie de personnages passionnants. Si j'avais une réserve, ce serait celle-ci : la mise en place est un peu longue et le dénouement quelque peu abrupt à mes yeux, mais ce n'est que mon ressenti de lectrice, certainement pas un jugement définitif. 
Plusieurs choses m'ont plu dans ce roman : il explore la dualité de toute chose et de tout être. De Reva, être hybride qui ne parvient pas à résoudre la fracture existentielle en elle, à Ue, dont la dualité est rendue visible par les tatouages, en passant par Taj, qui est à la fois ce surfeur arrogant et défoncé qui sème le chaos et l'homme blessé qui cherche la rédemption, tous sont doubles, complexes. Et c'est une des qualités d'Ingrid Astier, de roman en roman, que de nous offrir des personnages que l'on se prend à aimer autant qu'à détester. Autant que l'amour - d'un homme pour une femme, d'un frère pour une soeur (thème récurrent chez I. Astier) - l'amitié est capitale ici, et ne souffre aucune trahison. Lascar et Hiro en sont un exemple magnifique, avec une relation fraternelle d'une grande force. 
Comme toujours, Ingrid Astier fait des merveilles quand il s'agit de produire des atmosphères, et l'on sent l'océan, les essences qui embaument, on a le goût du curcuma et du gingembre sur la langue. Plus encore que dans ses romans précédents, elle nous fait ressentir, sentir, par une écriture sensuelle et incarnée. 
Enfin, La vague illustre à merveille la difficulté à définir les contours du roman noir. Car c'en est un, à mes yeux, qui explore le choc des cultures (le surf traditionnel, si je puis dire, lié à un mode de vie ancestral, et le surf investi par les sponsors et la starification), le rapport de la population au tourisme (lié au surf ou non), la difficulté de rester ou de partir, l'intrusion de la destruction par les drogues (l'ice) d'une population fragilisée socialement, la difficulté d'être transgenre, le rapport à la virilité. Ingrid Astier lance des pistes de polar : le trafic de stupéfiant, la possible dérive criminelle de Reva, la volonté d'en découdre de Hiro et Taj, mais elle contourne cela, surprenant le lecteur de page en page. Et c'est pourquoi, après un démarrage un peu laborieux pour moi, j'ai bientôt eu du mal à lâcher le roman. 
Je finirai en évoquant l'objet-livre : belle réussite à mes yeux que cette jaquette en couleurs qui reprend l'illustration de couverture d'Equinox. Et l'odeur des pages, divine, alliée au grain de la jaquette, un vrai plaisir... 

Ingrid Astier, La vague, Les Arènes / Equinox, 2019. Disponible en numérique. 

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