mercredi 20 décembre 2017

Nulle part sur la terre de Michael Farris Smith


Présentation éditeur
Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n’a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe.
Russell a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d’arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C’est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l’attendent.
Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu’à un fil.

Ce que j'en pense

Ce roman patientait dans mon stock depuis sa sortie, il a trouvé son heure après les nouvelles de Robin MacArthur: si je le mentionne c'est que les premiers chapitres structurent ce roman un peu à la manière de nouvelles, du moins est-ce l'impression que j'ai eue. On suit un personnage pendant un chapitre, puis on change, et même si l'on sait bien que tout ça va se croiser, on a pendant un moment le sentiment que les chapitres forment en eux-mêmes de petites histoires. Au bout de quelques chapitres la continuité narrative se fait plus forte, cependant, monte le sentiment de l'inéluctable, s'annonce la tragédie. Nulle part sur la terre ne révolutionnera pas le roman noir : vies cabossées, malmenées, vengeance, violence, tout y est. Pourtant cela fonctionne, et très bien même, avec une charge émotionnelle dénuée de pathos. J'ai été sensible à la solitude des personnages, que ce soit Maben, qui très tôt se cogne à l'existence, si dure quand on est une femme dénuée d'attaches et lestée d'une enfant, ou Russell, qui porte la croix d'une faute grave, pour laquelle il a fait des années de prison mais n'en finit pas d'expier, ou même le crétin qui lui en veut, parce qu'il est finalement doté d'une humanité et d'une solitude terribles... Tous les personnages sont parfaitement dessinés, et l'on se prend d'affection pour chacun ou presque. Même les plus discrets des personnages prennent chair, comme ces femmes qui tiennent le refuge où Maben passe quelques jours, ou Boyd, magnifique personnage. 
Dans ces vies qui ne connaissent nulle paix, il est un roc de stabilité : la maison du père, lieu de rédemption, abri, espace hors du monde et de sa rage. Totalement isolée, la maison et son étang offrent un lieu de repos pour Maben, une aire de jeux fantastique pour sa petite fille, et un espace de relative stabilité pour Russell. J'ai été très touchée par ces moments où Consuela chantonne et se promène, par les silences des uns et des autres, par la sérénité de tout cela. 
C'est un roman noir, il n'est pas question d'éviter la tragédie, car la noirceur du monde rattrape les personnages, quoi qu'ils fassent. Mais à défaut de happy end, on peut trouver une forme d'apaisement dans l'issue de ce récit, qui étrangement clôt l'histoire en laissant tout ouvert. Décidément, je fais de belles promenades aux Etats-Unis, en ce moment... 

NB : le titre original est très beau, mais je trouve que la traduction rend très bien justice aux personnages, qui effectivement, n'ont nulle part où aller, comme s'il leur était dénié tout droit à être quelque part.

Michael Farris Smith, Nulle part sur la terre (Desperation Road), Sonatine, 2017. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Demarty. Publication originale: 2017.

2 commentaires:

Electra a dit…

Bon, je vais avouer : j'ai emprunté ce livre, puis prolonger l'emprunt et impossible de le commencer. Pourtant, il me correspond en tout point (roman noir, Amérique, désolation, la totale!) sauf que je ne peux m'empêcher de penser à Galveston, un roman que j'adore (qui a écrit par la suite True Detective) et voilà... et puis j'avoue, je pense que je vais l'acheter en anglais. Enfin, j'adore ce genre mais j'ai aussi besoin d'en sortir parfois .. voilà mais bon tu confirmes qu'il est bien sans cependant révolutionner le genre ...

Tasha Gennaro a dit…

Ah Galveston est dans mon stock depuis des siècles (depuis que j'ai vu la saison 1 de True Detective), il faut que je le lise... Oui, Nulle part sur la terre est un chouette roman, mais rien d'indispensable.