Présentation
Meunier, officier de police aux Stups, est laissé pour mort
dans une station-service. Schneider, personnage de deux romans précédents de
Pagan, va enquêter sur cette tentative de meurtre qui se révèle bien plus
compliqué qu’au premier abord… Schneider, chef du Groupe criminel, entretient
des rapports étranges avec Monsieur Tom, avocat d’affaires aux pratiques et aux
connaissances peu recommandables. Mais c’est aussi chez Monsieur Tom que
Schneider rencontre la bouleversante Cherokee, alors qu’il est hanté par la
mort d’une femme.
Ce que j’en pense
Commençons par une anecdote qui n’a rien à voir avec Profil perdu. La première fois que j’ai
lu Pagan, c’était dans une maison à la campagne, il faisait nuit et il
pleuvait. Je sais, on s’en fiche, mais ceux qui ont lu Pagan (avant Profil perdu) comprendront. Je suis sortie de ma lecture totalement désarmée, secouée et
éprouvée. Tant de noirceur, ce jusqu’auboutisme dans la tragédie, cette
écriture… Pour ma part, j’ai découvert Pagan à la fin des années 1990, et j’ai
alors lu tous ses romans, avec le même plaisir un peu maso, mais j’aimais – j’aime
toujours – ce mélange de noirceur extrême et de beauté sidérante. Les
personnages de Pagan me tordent le ventre, son univers me bouleverse. Et puis
Pagan n’a plus publié de roman, se tournant vers la télévision et le cinéma pour
des activités de scénariste qui assurément lui permettaient davantage de vivre,
d’abord parce que l’audiovisuel paie mieux que les droits d’auteur, ensuite
parce que Pagan n’a jamais vendu beaucoup de livres, malheureusement. J’ai eu l’occasion
de lui parler au téléphone il y a de cela quelques années, au sujet de son
travail sur la série Nicolas Le Floch, et alors que je lui disais à quel point
j’aimais ses romans, il a ri et m’a dit un truc du genre : « Ah vous
êtes donc ma lectrice, la seule et l’unique », manière de se moquer de
lui-même, de son absence de succès dans le domaine du roman noir. Je suppose et j’espère que cela va changer
avec Profil perdu.
J’appréhendais beaucoup cette lecture, autant que je l’espérais,
car d’une part il m’avait dit (et cela se murmurait beaucoup) qu’il projetait
de publier un nouveau roman noir, et d’autre part quand cela s’est confirmé
avec une date de parution, je piaffais d’impatience.
Ai-je retrouvé le Pagan qui m’avait tant bouleversée ? Oui et non. Mais
les retrouvailles restent belles.
Alors je commence par mes réserves : l’une est une
vraie réserve, l’autre une réserve plus subjective.
J’ai dit le talent d’écriture de Pagan : il est
sensible dans ses romans à toutes les pages et bien sûr, on le retrouve ici.
Mais il y a aussi une volonté de retrouver le style du roman noir après des
années, et un côté too much dans le style, par instants… Des expressions m’ont
gênée, des métaphores un peu lourdingues à mes yeux. Si j’en juge par les
quelques critiques (de presse) lues depuis, cela ne gêne que moi, donc, à vous
de juger.
Mon autre réserve n’a pas grande importance, car c’est une chose
qui pourrait au contraire assurer le succès du roman. J’ai tendance à penser
que si Pagan n’a pas rencontré le public dans les années 1990, c’est notamment parce
qu’il allait très loin dans la noirceur. Sans concession, ses romans noirs
étaient parfois irrespirables, ce qui allait avec une forme de classicisme ou
de respect des codes dans la construction des personnages et de l’intrigue.
Pour moi, c’était ça, la force et la spécificité de Pagan, mais c’était aussi
ce qui me laissait, en tant que lectrice, exsangue, réellement désespérée au
terme de mes lectures. Pagan a évolué (forcément), et, sans doute pour de
nombreuses raisons, il s’est attendri. Alors calmons-nous, hein, il n’a pas
écrit une bluette ou un roman rigolo, Profil perdu reste d’une noirceur terrible
(et délectable), mais Pagan a comme une envie d’épargner le pire à ses
personnages, comme un élan de douceur. Est-ce que j’y vois un défaut ?
Non, simplement j’aimais énormément la radicalité tragique de ses précédents
romans.
Pour le reste, Pagan est là et bien là : baltringues,
corrompus de tout poil, ceux qui se couchent et ceux qui se tiennent debout quoi qu’il arrive,
la douleur et la beauté qui subsiste dans tout ce merdier, la mort… Ah! le « je
t’aime » de Schneider… La beauté émouvante de Cherokee… L’intrigue met un
peu de temps à se mettre en place, mais oh ! on n’est pas pressés, hein,
on est dans du noir, les atmosphères sont essentielles. Et qu’importe car
ensuite, elle est redoutable, étouffante, c’est du Pagan comme on aime, c’est
vénéneux, touffu, rudement bien fichu.
Maintenant, j’ai envie de relire tout Pagan. Ma lecture de Profil perdu n’est pas totalement
enthousiaste, mais tout de même, Pagan est de retour, et j’espère qu’il ne va
pas s’arrêter là.
Hugues Pagan, Profil
perdu, Rivages Thriller, 2017. Disponible en numérique.
PS : suis-je la seule à avoir remarqué que Sagan (une lettre de différence) a publié un livre qui s'appelait Un profil perdu? 🤔
2 commentaires:
très intéressant ton billet ! Le fait que tu aies lu son oeuvre, que tu aies pu échanger avec lui et le retrouver. J'avoue que si j'aime les romans noirs, j'ai quand même besoin d'une sorte d'espoir à la fin, ou d'une possible rédemption donc me retrouver exsangue et désespérée .. bon là, il a l'air d'avoir changé d'où mon envie de le lire. Mais j'ai quelques lectures qui m'attendent (Tchernobyl, au final pas plus joyeux!)
De fait, Pagan faisait partie des auteurs que je recommandais à mes amis avec prudence, et c'est pour ça que je pense que cette fois-ci, il devrait avoir un plus grand nombre de lecteurs.
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