Présentation (éditeur)
Encore une mauvaise période pour Santiago Quinones, flic à Santiago du Chili. Son partenaire Jiménez vient de mourir au cours d'une fusillade avec des narcotrafiquants. Pire encore, le défunt semble avoir été mêlé à des histoires peu claires, et il avait les Affaires internes sur le dos. Il était également lié à une "association de divulgation philosophique" aux allures de secte, la Nouvelle Lumière. Interrogé par les Affaires internes, Santiago a du mal à croire ce qu'on lui dit de Jiménez. En se rendant à la Nouvelle Lumière, par curiosité autant que par désoeuvrement, il tombe sur la jeune Yesenia, qu'il connaît bien. Tous deux ont grandi dans le même quartier, puis leurs chemins se sont séparés. Entre-temps, Yesenia a connu l'enfer : elle raconte à Santiago avoir été séquestrée et violée par son beau-père. Depuis, elle ne vit plus que pour une seule chose, et elle va demander à Santiago de l'aider, au nom de leur amitié passée : il s'agit d'abattre son bourreau…
Ce que j’en pense
Ce deuxième opus consacré à Santiago peut se lire indépendamment du premier, même si bien sûr, avoir lu le premier lui donne une saveur supplémentaire. J’ai beaucoup aimé Les rues de Santiago et Tant de chiens m’a procuré le même plaisir de lecture. J’aime décidément beaucoup le personnage de Santiago, qui gagne ici en complexité et en profondeur. Là où le premier volume jouait - efficacement - avec les stéréotypes, Tant de chiens les explore différemment. Santiago se révèle moins séducteur qu’amoureux, mais son histoire d’amour avec Marina est rendue compliquée par son travail. Tant pis si la trajectoire professionnelle de Santiago dans ce volume n’est guère crédible (comment puis-je en juger d’ailleurs, ne connaissant pas ce milieu au Chili?); l’essentiel est que le lecteur y adhère pleinement le temps de la lecture, vibre avec Santiago, bouleversé, écoeuré, effrayé parfois.
Boris Quercia propose une galerie de personnages secondaires passionnants : comme j’ai aimé l’insubmersible Marcelo, loyal, droit dans ses bottes, lucide et courageux! La scène où Santiago retrouve son corps près du cabanon est sidérante de sobriété et d’émotion conjuguées. Et puis il y a les personnages féminins: Marina, Angelica déjouent déjà les stéréotypes des figures féminines dans le polar. Certes, Yesena est plus conforme au stéréotype de la femme-victime, mais Boris Quercia lui donne assez d’ambiguïté pour qu’elle soit intéressante, et surtout, il y a sa petite soeur de souffrance, que Santiago va essayer de tirer d’affaire, et dont il ne fait pas une figure brisée, mais une boule d’espoir, en dépit des traumatismes.
Le roman est sans concession pour les représentants des institutions (politiques, judiciaires, policières) chiliennes, pour les mâles chiliens aussi. C’est une vision conforme à ce que j’aime dans le noir, une conception désenchantée (mais fut-elle enchantée un jour?) et désespérée. Il n’y a pas de retour à l’ordre, ou plutôt un retour à cet ordre inique qui broie toujours les plus faibles, sans possibilité de justice.
La scène finale, qui commence avec une sorte de cavale de Santiago, est éblouissante. Le point d’orgue est la scène du cabanon, dans laquelle Boris Quercia se paie le luxe d’une maîtrise absolue du rythme, tout en tension, mâtinée de réminiscences presque oniriques. C’est magnifique.
J’espère pouvoir lire vite un troisième opus!
Boris Quercia, Tant de chiens (Perro Muerto), Asphalte, 2015. Traduit de l’espagnol (Chili) par Isabel Siklodi. Disponible en ebook.
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