Présentation (pas terrible) de l’éditeur
Shuggie
Atkins est un adolescent solitaire et obèse. Sa mère l'appelle son "petit
cœur". Son père le traite de "gros lard" et le force à
s'introduire au domicile de grands malades pour y voler les "drogues"
qui leur sont prescrites. Shuggie accepte, pour l'amour de cette mère qui ne
cesse de le provoquer sexuellement sans avoir l'air de s'en rendre compte.
Ce que j’en pense
Dans ce phénomène du « rural noir » ou « country noir »,
je trouve que, vu de France, on oublie un peu trop souvent Daniel
Woodrell, qui n’a pas été pour rien dans l’émergence de cette vague de romans
noirs qui se détournent des villes pour explorer la misère sociale,
intellectuelle et morale des campagnes, pour narrer les vies à la fois dures et
pitoyables de ces laissés pour compte de la société américaine. La mort du petit cœur est pour moi un
pur roman noir, à la lisière du polar, donc j’adore.
Le « petit cœur »,
c’est un adolescent en surpoids, élevé par une mère aimante et trop jolie, trop
sensuelle pour ceux qui l'entourent dans ce trou du cul du monde, ainsi que par un supposé père qui a
tout d’une raclure de bidet, alcoolique, toxico et délinquant, qui n’a de cesse
de traiter son fils de gros lard incapable tout en l’utilisant comme petite
main dans ses forfaits.
Je ne peux en dire plus sur ce qui m’a conquise dans la
construction du roman sans spoiler, mais sachez que le titre est plutôt
trompeur, ou qu’en tout cas il ne dit pas ce qu’on croit qu’il dit. Comme dans
tout roman noir qui se respecte, on va inexorablement vers le pire, mais
Woodrell déjoue les attentes avec brio.
Les personnages sont campés en quelques phrases puis
prennent la profondeur tragique qui intéresse Woodrell tout au long du roman. C’est
vrai pour les personnages principaux mais aussi pour ces silhouettes déjà
fantomatiques que le « petit cœur » vient délester de leurs
anti-douleurs, alors qu’ils tentent de guérir ou agonisent tout près de lui. Il
y a quelques scènes somptueuses, des rencontres esquissées qui laissent le
lecteur pantois.
D’une manière générale, Woodrell capte les ambiances et les
moments dans ce qu’ils ont d’essentiel, que ce soit par la douceur qu’ils
dégagent ou par leur intensité dramatique. La scène où Shuggie entre dans la
cuisine dévastée (je ne peux en dire plus) est l’une des plus fortes que j’ai
lues depuis longtemps.
J’ai refermé le roman un peu étourdie, le cœur serré, mais
une fois de plus épatée par le talent de Woodrell.
Daniel Woodrell, La
mort du petit cœur (The Death of
Sweet Mister), Rivages Noir, 2002. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par
Franck Reichert. Publication originale : 2001.
2 commentaires:
oh bonne nouvelle en voyant le titre en anglais - il est chez moi dans ma pàl ! yes ! je ne lis les livres qu'en anglais donc j'ai du mal avec le titres français. Je suis de ton avis, il est assez méconnu (bizarrement Gallmeister n'a pas eu l'idée de mettre la main dessus) et pourtant il est doué ! ses nouvelles, lues il y a peu, sont très sombres aussi mais d'une intensité !
Ah tu devrais te régaler. C'est un auteur magnifique, je t'envie de pouvoir le lire en anglais, j'avais essayé mais cela ralentit ma lecture et me frustre! C'est vrai, ça, Gallmeister devrait s'y intéresser. ;-)
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