Le salon commence avant le salon, un peu comme un festival de rock. Imprimer son billet d’entrée, regarder le programme des festivités sur le site : tiens, ça, ça n’a pas changé, le site du Salon du Livre de Paris est moisi. On navigue mal, on trouve difficilement ce qu’on veut et il faut faire défiler un nombre de pages ahurissant avant d’obtenir des informations.
Et puis dans le métro, on voit monter de plus en plus de gens qui ont une tête à aller au salon, ou pas, d’ailleurs. Mais de fait, nous sommes nombreux à descendre à la station de métro et à diriger nos pas vers le Hall 1.
Et voilà, nous y sommes, le Salon va commencer pour nous.
Il y a d’abord le froid vif de la porte de Versailles, et l’air qui s’engouffre par les portes où une foule déjà nombreuse se presse. Je n’étais pas venue depuis cinq longues années au Salon et je n’avais pas souvenir d’avoir attendu ainsi. Je me dis que les contrôles de sécurité doivent ralentir le flux…
Il y a ces gens enthousiastes munis de valises à roulettes, comme une promesse de dédicaces et d’achats. Mais une visiteuse un peu agacée les prévient : on ne les laissera pas entrer avec leur valise, cette année (sécurité oblige, je suppose), et il faut donc renoncer à la malle au trésor qui attendra patiemment dans une consigne à l’extérieur du hall 1. Les visiteurs à roulettes semblent décontenancés, et moi je me dis qu’il y a cinq ans, je n’avais pas remarqué ce curieux accessoire au bras des gens…
Enfin nous sommes dans le hall, transis par le froid, et guère réchauffés de prime abord par le hall immense qui n’a pas encore emmagasiné la chaleur des visiteurs. Nous n’éprouverons à aucun moment le besoin de quitter nos vestes. Il y a du monde, déjà, mais c’est aussi que nous sommes plus « concentrés ». Il ne me faut pas longtemps pour constater que le hall est loin d’être entièrement occupé… L’absence du groupe Hachette mais aussi d’autres éditeurs qui ne trouvent pas le salon « rentable » se fait sentir. Le Salon du Livre de Paris rapetisse et je repense à ces débats et polémiques autour de sa tenue et de sa gestion : un lieu trop grand (mais il ne l’était pas au début des années 2000), trop froid, des auteurs qui rechignent à venir attendre le chaland à côté des stars de l’édition, des médias ou de la politique, des éditeurs qui ne peuvent plus payer des stands hors de prix dans un salon généraliste dont la plus-value est discutable pour eux, des libraires qui n’ont pas très envie de jouer les utilités sur les stands quand ils ont leur librairie à faire vivre et à défendre… Je repense à tout cela et trouve le Salon mal en point. Au fil de mes déambulations, je ne peux m’empêcher de me dire que si l’on enlève les stands institutionnels (de type CNL), les stands des médias (Le Monde, France Télévision, etc.) et ceux des régions et pays divers, eh bien, ce n’est plus un très grand salon. L’organisation du lieu est étrange, avec des culs-de-sac, des blocs peu cohérents, mais c’était peut-être déjà comme ça il y a cinq ans, je ne m’en souviens pas.
Ce constat étant fait, je me réjouis d’être là. Une première halte et des manga rejoignent notre escarcelle. L’auteur sera en dédicace plus tard mais je n’ai pas la patience pour cela. J’aurais pu acheter le tome 1 de Poison City et l’intégrale de Prophecy ailleurs (et repartir de Paris un peu moins chargée), mais l’occasion fait le larron (ou l’acheteur). Le stand de Ki-oon est sympathique. Et ils ont le bon goût de ne pas refuser de dédicace (l’après-midi) à un très jeune couple venu rencontrer Tetsuya Tsutsui muni d’un exemplaire déjà acheté…
Puis nos pas nous mènent sur le stand ActuSF/Les Moutons électriques/Mnémos. Je me munis du petit Guide Steampunk signé Arthur Morgan et Etienne Barillier, dont la version papier était à un moment épuisée, tandis que mon cher et tendre prend un roman de Julien Heylbroeck, Stoner Road, et une réédition de Dominique Douay, La vie comme une course de chars à voile. Au moment de payer, la jeune femme qui encaisse le montant lui demande s’il veut une dédicace car l’auteur est présent sur le stand. Nous ne le savions pas, et d’ailleurs, il n’est pas (encore) installé pour les dédicaces. Il signe le volume avec un sourire, et mon cher et tendre, lecteur de SF depuis longtemps et admirateur de Douay, est ému d’avoir croisé sans s’y attendre cet auteur. Finalement, mal préparer sa venue au Salon réserve de jolies émotions, et c’est bien comme ça…
En revanche, il en est un que nous savons être là et que nous avons envie de rencontrer : c’est David Snug, auteur underground de bandes dessinées hilarantes et féroces. Il est attendu pour midi sur le stand de Même pas mal éditions, mais à midi, point de Snug : c’est qu’il ne sera là qu’à 14 heures, nous dit-on. OK, on reviendra. J’ai repéré un joli tote-bag jaune canari représentant la maison d’édition: chouette, ça tombe bien puisque j’ai ruiné nombre de mes précieux sacs en tissu lors d’une lessive malheureuse à base de méchant bout de tissu bordeaux (comme quoi, les lingettes anti-décoloration ont leurs limites).
Nous repartons donc, faisant quelques emplettes sérieuses et professionnelles sur nos domaines respectifs… Pas le plus passionnant, je vous épargne les détails. Nous vaquons, de stand de BD (bof) en stand jeunesse, et mes pas me guident vers le stand Milady. J’en espère beaucoup et je suis déçue. Je savais que Bragelonne était absent et je comprends: pour eux, les salons spécialisés dans les littératures de l’imaginaire sont bien plus intéressants et porteurs, je suppose. Milady a un petit stand (pas minuscule mais petit), joli, qui donne envie. Mais alors que j’attends, évidemment, de me régaler de bit-lit, je constate qu’une petite partie seulement de la production de la maison est présente. Romance historique, érotique, dramatique, pour l’essentiel, mais de bit-lit, point. Je repars tout de même avec des livres que je veux offrir (même si j’avais d’autres titres en tête), et en cadeau, j’ai un livre (qui narre les aventures de la fille de Darcy), et un joli sac en tissu Jane Austen…
Un tour du côté des stands sur le livre électronique, puis cap sur les stands de Actes Sud et Actes Noir, et sur celui de Rivages Noir, voisin. C’est un régal pour les yeux, des tentations, mais je n’ai pas a priori d’intention d’acheter. Et puis patatras, je vois Pascal Dessaint qui arrive pour une séance de dédicaces. Je m’approche : nous nous sommes croisés à plusieurs reprises, il m’a accordé un entretien il y a des années de cela, et j’ai toujours plaisir à bavarder avec lui. J’embarque son nouveau roman, avec un petit mot évidemment. C’était inattendu, et je suis contente. Je l’ai déjà dit, mais mal préparer sa venue au Salon réserve de jolies émotions, et c’est bien comme ça…
Nous faisons ensuite un tour à l'expo fêtant les 70 ans de la Série Noire. Elle est petite mais il y a de chouettes documents, drôles et touchants. Nous repartons avec un volume des années 1970, l'époque où il y avait de la pub en quatrième de couverture : j'avais déjà Balafre, cette fois c'est Bastos! Des cigarettes pas pour les fillettes.
Enfin, il est temps de rejoindre Même pas mal éditions en espérant voir Snug. Au premier abord, pas de Snug. Nous redemandons : oui, Snug est là, mais il n’est pas installé pour une dédicace, il bavarde, et on lui dit : « David, voilà les personnes qui t’ont demandé ». Il a l’air interloqué : c’était donc vrai? Oui, incroyable : Snug a des fans et nous en sommes! Il se lève et s’approche, l’air embarrassé. « Vous voulez un dessin, c’est ça? » Ben oui, en fait. « Non mais je suis arrivé en retard et en plus, j’ai renversé ma bouteille d’encre de Chine dans mon sac, il y en a partout. Vous avez un stylo? » Oui, Snug en vrai est comme Snug en dessin, pince-sans-rire, drôle, touchant aussi. Il trouve un stylo-feutre et commence à dessiner. Nous discutons, de Noise, le magazine par lequel nous l’avons connu, de ma ville, où il est passé en concert avec son groupe Trotski Nautique (que vous pouvez écouter là), des métalleux à tatouage. Il fait une dédicace où il suppute méchamment que les métalleux à tatouage ne savent pas écrire et fait une faute au prénom de mon cher et tendre... Il corrige tandis que nous songeons à lui demander s'il n'aurait pas des tatouages cachés, par hasard. Et puis nous lui tendons un deuxième album, parce que nous sommes prosélytes quand il s’agit de BD et de livres, et nous offrirons le lendemain l’album à une amie qui a adoré comme nous La maison n’accepte pas l’échec. Il fait le même dessin, et nous le dit : en revanche il change la dédicace. On se marre et on lui promet de ne pas montrer notre dessin à cette amie. Je sursaute parce que pas loin, il y a un stand GDF Suez (déjà, en soi, ça fait sursauter) où deux types déguisés, l’un en une sorte d’Iron Man et l’autre en viking bizarre, font des animations publicitaires ridicules. Snug me dit que c’est comme ça tout le temps, l’air désabusé. Je suis consternée.
Il est temps que nous partions.
D’ailleurs, nous avons fait ce que nous voulions. J'ai même le sac en tissu de chez Même pas mal éditions, que je n'ai pas pris en photo mais vous pouvez imaginer le sac à partir de cette image (même dessin, même couleur, même texte) :
Nous sommes vrillés de fatigue et nous avons faim. Le moment se prolonge un peu dans une brasserie toute proche qui sert toute la journée, où des visiteurs et professionnels du Salon se restaurent comme nous. Il est temps de reprendre le métro, les bras chargés. J’ignore si je reviendrai l’an prochain même si 2015 a tenu ses promesses. Je crois que désormais, des salons plus spécialisés (polar, littérature de jeunesse, littératures de l’imaginaire) me conviendront mieux. Mais c'était bien quand même...
Nous sommes vrillés de fatigue et nous avons faim. Le moment se prolonge un peu dans une brasserie toute proche qui sert toute la journée, où des visiteurs et professionnels du Salon se restaurent comme nous. Il est temps de reprendre le métro, les bras chargés. J’ignore si je reviendrai l’an prochain même si 2015 a tenu ses promesses. Je crois que désormais, des salons plus spécialisés (polar, littérature de jeunesse, littératures de l’imaginaire) me conviendront mieux. Mais c'était bien quand même...
6 commentaires:
Je confirme : le site est moisi! Je voulais vérifier avec le nom d'un auteur, rien à faire (abandon)
Connais pas David Snug (mais il a l'air sympa)
En 2009 je suis venue avec ma valise à roulettes, sauvant mon dos et mes bras. ^_^
En 2014 je n'avais rien préparé, juste RV avec des blogueurs, et, joie, rencontre avec c Juliet, complètement pas prévue!!!
Là je me prépare pour avril, le petit salon près de chez moi.
Merci pour ton compte rendu!
Il y a un salon chez moi en avril mais je ne serai pas là (déplacement professionnel... à Londres!). La valise à roulettes est une bonne idée, évidemment! Parmi les salons que j'adorerais faire: Epinal et ses Imaginales (mais c'est l'autre bout du monde pour moi) et Nantes et ses Utopiales.
Ton récit est très sympa ! C'est vrai qu'au final c'est mieux que ce ne soit pas préparé, tu n'as pas de déception d'avoir loupé tous ceux que tu voulais voir mais tu as le plaisir d'en avoir rencontré d'autres.
Oui, ça m'est arrivé, à cause du site moisi qui n'était pas suffisamment mis à jour!
Toujours avec un certain temps de retard (alors que je lis tes billets dès qu’ils paraissent … mais sur tablette), un petit mot pour te dire que j’ai dévoré ton sympathique compte-rendu.
Moi aussi, quatre ans après mon dernier passage au Salon, j’ai essayé de me souvenir pour confronter ce que je voyais à ce qui était avant (au niveau de la gestion des espaces). Comme toi, j’ai été toute surprise de croiser Dominique Douay (sans l’aborder car j’étais incapable de me souvenir de ce que j’avais lu de lui, j’ai cherché après et c’est « L’échiquier de la création », titre qui ne figurait pas parmi ceux présentés devant lui).
Mon compagnon est resté tout interdit lui aussi et n'a pas osé lui confier son admiration, trop ému pour cela. Oui, L'échiquier de la création, bien sûr!!! Je me demande si Mnémos entreprend de rééditer peu à peu tous ses livres, tiens.
Je sais qu'il est question, à moyen terme, d'envisager un rapatriement du Salon au Grand Palais: je me dis que ce serait sans doute une bonne idée.
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