lundi 23 septembre 2013

La vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker


Présentation
À New York, au printemps 2008, alors que l’Amérique bruisse des prémices de l’élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d’écrire le nouveau roman qu’il doit remettre à son éditeur d’ici quelques mois. Le délai est près d’expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d’université, Harry Quebert, l’un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l’innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l’enquête s’enfonce et il fait l’objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d’écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s’est-il passé dans le New Hampshire à l’été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ? Sous ses airs de thriller à l’américaine, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est une réflexion sur l’Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et sur les médias.

Mon avis
Ce best-seller attendait depuis des mois sur ma PAL. A l’annonce de mon opération, j’ai pris la précaution d’acquérir un livre audio, et je voulais un roman captivant mais pas lourd, pas glauque : un bon page turner, susceptible de retenir mon attention sans me déprimer.
Sur le roman lui-même, je suis assez partagée, et finalement pas si emballée que ça. Je commence par mes réserves. Disons-le tout net, je ne comprends pas l’engouement pour ce roman de facture assez classique (dans sa construction et surtout dans son écriture), qui n’est pas exempt de défauts à mes yeux, et qui n’a pas grand-chose à dire sur le monde. Je comprends (sans le partager) l’engouement pour Millenium, par exemple, mais là, je reste dubitative. Pourquoi ?
1) Rythme et construction
En terme de rythme, d’abord, je trouve que le roman se traîne un peu, en particulier dans la première moitié du roman, assez lente ; pour tout dire, en écoutant certains dialogues, j’avais l’impression que l’auteur étirait les choses, tirait un peu à la ligne, comme on disait jadis. Lenteurs, redites, tout cela me donnait l’impression que l’auteur voulait mettre les points sur les i jusqu’à la lourdeur. C’est une impression qui perdure jusqu’à la fin, quoique plus ponctuellement : mais j’avais parfois envie de crier à un personnage : « mais alors quoi ? tu n’as pas encore compris ? Il va falloir qu’on te le dise ?! » ; et oui, il fallait qu’on le lui dise… Damned !
Mais je dois reconnaître que la seconde moitié est bien plus rythmée et ménage enfin des rebondissements. Cependant, l’avalanche de retournements de situation m’a un peu fatiguée. Chaque personnage va être suspecté, cette valse des suspects, des hypothèses, avec finalement la possibilité la plus « inattendue » rappelle certains romans d’énigme ; mais ces retournements incessants rappellent aussi le thriller, et aussi malin que soit le roman, c’est un aspect « thriller » qui m’exaspère. Je n’y crois pas, ça m’agace (même Ne le dis à personne d’Harlan Coben m’a horripilée avec son retournement final), je ne suis pas cliente. Cela ne m’empêche pas de reconnaître que c’est bien fichu, mais ce n’est pas pour moi.

2) Keskidi ?
Ensuite, je trouve que le roman est dénué de tout propos. Vous me direz, un bon page turner n’a pas à bouleverser notre vision du monde. Peut-être. Mais ce n’est pas incompatible et j’attends d’un roman, même abordé comme un simple divertissement, qu’il ait un peu de profondeur, ce que je n’ai pas trouvé dans La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Je dirais même que les discussions et réflexions sur l’écriture, ce qu’est un écrivain, m’ont semblé d’une platitude affligeante. Impossible de considérer Harry Québert comme un grand écrivain au vu des lignes qu’on nous inflige. La vie littéraire aussi me semble peinte avec une naïveté stupéfiante. Mais tout ça n’est pas bien grave. Au fond, ce qui m’a gênée le plus, c’est que les personnages n’ont pas d’épaisseur. L’auteur prend pourtant le temps de les développer, de les introduire : mais à mes yeux (si j’ose dire en ces temps de disette oculaire), ni Harry ni Marcus n’ont d’intérêt, et je trouve que leurs dialogues sonnent souvent faux ou creux. Mais ce n’est rien à côté des personnages féminins, que je trouve consternants. Il y a les jeunes filles, jeunes femmes, espèces de ravies de la crèche rêvant du grand amour. Jenny n’est guère sympathique, et Nola, avant les ultimes rebondissements, n’est qu’une jeune fille qui ne cherche qu’à vivre dans l’ombre de son grand homme. Ce que nous apprenons d’elle dans la seconde moitié du roman n’a pas suffi à en faire un personnage intéressant à mes yeux. Par conséquent, entre jeune écrivain sans épaisseur et jeune fille en fleurs évanescente et border line, l’histoire d’amour m’a semblé inconsistante, pour ne pas dire ridicule. La première rencontre sur la plage, avec Nola en train de danser sous la pluie, au secours ! Et que tout cela est chaste, dépourvu de tension sexuelle… Très franchement, cela m’a gênée. Et je ne parle pas des personnages de mères, absolument détestables, qu’il s’agisse de la mère de Jenny ou de celle de notre écrivain. Bref, je trouve la vision des femmes affligeante.
Une fois les réserves énoncées, que puis-je dire de positif ? Joël Dicker a un beau talent d’architecte. Malgré les longueurs, le roman se déploie dans une construction très maîtrisée, complexe, qui n’égare jamais le lecteur. Les rebondissements qui émaillent le récit ne surgissent pas de nulle part, ils sont bien amenés et motivés. Cela fait de La vérité sur l’affaire Harry Quebert un polar très plaisant à lire. Il a parfaitement tenu ses promesses quand j’avais bien besoin d’être distraite, divertie : rien de plus, mais rien de moins.
Pour ce qui est du livre audio, outre le fait qu’il m’a sauvée de l’ennui à plusieurs moments, j’ai trouvé l’expérience plaisante. Thibault de Montalembert fait une lecture vivante mais sans théâtralité excessive, il met son talent de comédien au service du récit, rend les dialogues avec clarté. Moi qui n’aime pas qu’on me fasse la lecture à haute voix, j’ai passé un bon moment.


Pour qui ?
Pour ceux qui voudraient voir à quoi ressemble le succès de 2012-2013.

Le mot de la fin
Divertissant.


Joël Dicker, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, Editions de Fallois, 2012. Ecouté en livre audio (Audible).

4 commentaires:

Aifelle a dit…

Ton billet m'a fait sourire, j'y ai retrouvé toutes mes réserves et mon incompréhension devant l'engouement général et surtout sa présence l'an dernier sur toutes les listes de prix ! Ceci dit, je l'ai lu sans déplaisir, mais pas sûr que je réitère avec l'auteur, ce petit malin ..

Tasha Gennaro a dit…

Oui, c'est exactement ça, un petit malin... et comme toi, je ne pense pas réitérer avec lui. ;-)

keisha a dit…

Bah, j'ai abandonné assez vite,, avant page 100, pour passer à autre chose. J'ai bien fait, finalement.

Tasha Gennaro a dit…

Ben faut reconnaître qu'il y a tant de très bons livres à lire...