mardi 29 janvier 2013

Chiennes de vies. Chroniques du sud de l'Indiana par Frank Bill



Présentation (extrait de la quatrième de couverture)
Bienvenue dans l'Amérique profonde d'aujourd'hui, où les jobs syndiqués et les fermes familiales qui alimentaient les revendications sociales des Blancs ont cédé la place aux labos de meth, au trafic d'armes et aux combats de boxe à mains nues. Les protagonistes de Frank Bill sont des hommes et des femmes acculés au point de rupture - et bien au-delà. Pour un résultat toujours stupéfiant.


Mon avis
Attention ! Livre coup de poing… Dix-sept nouvelles écrites à l’os, qui vous sonnent comme rarement.
Le titre français est à mon sens moins bon que le titre original, retranscrit par le sous-titre. Ce sont plus que des « chiennes de vie », ce sont des vies dévastées par la violence, dans ces contrées rurales et rudes de l’Amérique. J’ai immédiatement pensé à Chris Offutt et à ses nouvelles magnifiques et tout aussi dures, mais aussi à Daniel Woodrell, dont j’ai tant aimé Un hiver de glace. Sans jamais donner dans l’émotion, sans jamais chercher à hérisser son lecteur (sous l’effet de la peur par exemple), ces nouvelles sont terribles et bouleversantes à la fois. Certains hommes sont pires que des bêtes, parce que leur animalité est soutenue par la conscience de leur asservissement et de leur misère (financière et intellectuelle). Abrutis par l’alcool ou la dope, esquintés par le travail, la guerre ou tout simplement la pauvreté, ils laissent se déchaîner leurs pulsions les plus destructrices. Frank Bill ne cherche d’ailleurs pas à leur donner des excuses : il montre, il raconte, rien de plus. Quant aux femmes, elles sont à peu près tout ce que ces hommes peuvent dominer, elles sont les seules sur qui ils peuvent exercer leur violence, et ils ne s’en privent pas. Pour autant, Frank Bill ne les victimise pas, je me souviendrai longtemps de Josephine et d’Audry, mais aussi d’Elizabeth et d’Ina.
Ces hommes et ces femmes sont, au-delà de la violence dont ils se rendent responsables, les laissés pour compte de l’Amérique. Quant les usines sont délocalisées au Mexique et que les fermes ne permettent plus de vivre, la voie est libre pour le trafic d’armes et de drogue, pour la prostitution.
J’ai dévoré les nouvelles, j’ai été particulièrement convaincue par la construction du recueil, avec ces retours de personnages, ces échos perceptibles de récit en récit (pas systématiquement), ce qui permet de changer de perspective, de point de vue. Les quatre premières nouvelles m’ont particulièrement bouleversée, ce qui ne signifie pas que le reste soit moins fort.
Si je me fie à la dédicace, qui parle de « coup d’essai », et aux remerciements, il semble bien que ce soit la première œuvre d’un auteur venant d’un milieu ouvrier. J’espère que nous aurons l’occasion de découvrir bientôt d’autres œuvres de Frank Bill. Un petit tour sur son blog permet d’apprendre qu’en mars, sort aux Etats-Unis un roman nommé Donny-Brook. A suivre, donc…


Pour qui ?
Pour les amateurs de nouvelles noires, ou de nouvelles tout court (Offutt, Carver). Pour ceux qui aiment le noir, tout simplement.

Le mot de la fin
Un coup de poing.

L’avis de Jean-Marc Laherrère est ici.

Frank Bill, Chiennes de vie. Chroniques du sud de l’Indiana (Crimes in Southern Indiana), Gallimard/Série Noire, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Maillet. Publication originale : Farrar, Straus & Giroux, 2011.


6 commentaires:

Jean-Marc a dit…

D'après Antoine Chainas (voir commentaire chez moi), le roman est impressionnant, dans la ligne de l'avant dernière nouvelle.
Et il sera sans doute traduit à la série noire.
Attendons.

Tasha Gennaro a dit…

Voilà une excellente nouvelle.

Loo a dit…

Oui effectivement ça m'a l'air assez noires comme histoires. J'attendrai donc le bon moment pour le lire car il me paraît intéressant.

Tasha Gennaro a dit…

C'est très bien, mais c'est vrai qu'il faut se sentir "d'attaque" pour affronter tant de noirceur!

Anonyme a dit…

Je ne suis pas fan de nouvelles mais de noir américain bien profond par contre oui !

Tasha Gennaro a dit…

Eh bien le lien qui est fait entre certains récits atténue le côté nouvelles, justement. Sinon, tu peux attendre la publication probable de son roman, qui est sur le point de sortir aux USA!