Présentation éditeur
Dans la ville crépusculaire de Parme, recouverte d’un épais manteau de neige, la pourriture semble se cacher partout : la corruption sévit, la criminalité échappe à tout contrôle et la révolte grandit. Le commissaire Soneri tente difficilement de réprimer sa colère devant ce désordre incontrôlable. Il doit composer avec trois axes d’investigation, trois faits étranges dont le lien semble impossible à faire. Le premier vient d’Angela, sa compagne, qui rapporte des sons étranges provenant de la rive du fleuve. Se glissant dans l’herbe gelée, Soneri trouve un téléphone portable – sans carte mémoire – et de mystérieuses traces de chiens qui ne vont nulle part. La seconde débute dans un hospice, avec la disparition mystérieuse d’un vieil homme amnésique, et qui semble n’avoir laissé aucune trace. Enfin, la troisième piste d’enquête conduit Soneri vers les pistes de ski sur lesquelles le maire de la ville s’est évaporé : tout le monde savait qu’il serait là en vacances, personne ne se souvient de l’y avoir vu. S’il y a bien une chose dont est certain Soneri, c’est que tous ces cas dissimulent une même stratégie : celle du lézard.
Ce que j'en pense
Il est des auteurs qui ne m'ont jamais déçue, et Valerio Varesi en fait partie. Retrouver le commissaire Soneri est l'un de mes grands plaisirs, et La Stratégie du Lézard est à mes yeux un grand cru. Si vous attendez une intrigue "haletante" avec des retournements de situation en veux-tu en voilà, et une bonne fin bien résolutive qui va vous donner l'immense satisfaction de punir tous les méchants et de restaurer l'ordre, allez voir ailleurs. Mais si vous cherchez une manière de voir le monde en dégradés de gris, une déambulation désabusée et pourtant toujours énervée, un constat désenchanté sur le délitement des institutions et du corps politique, un roman noir qui permet de comprendre, sans leurre, sans résolution positive et factice, alors vous serez comblés.
Soneri est aux prises avec trois affaires dont il pressent qu'elles ne sont pas ce qu'elles semblent être, et dont il perçoit rapidement qu'elles sont liées. Dans cette ville de Parme envahie par le brouillard, par la nuit, Soneri s'attache non pas à disperser le brouillard en attendant le jour, mais à s'en accommoder et à y trouver le chemin vers la vérité. Tout est faux-semblant, des toiles de maître qui ornent les murs des parvenus affairistes à l'escapade du maire en période trouble, du vieux mort de froid au laboratoire de transformation de viande. Indépendamment, rien n'a de sens, mais éclairés par le contexte, ces évènements dessinent une toile terriblement cohérente. Tout lié, et tout est leurre. Que Soneri démêle l'écheveau ne changera rien à l'affaire, au fond.
"Il était vraiment seul. Etranger à cette ville qui brûlait par à-coups et ne tenait plus que sur des mensonges servis par trop de courtisans. Il était tard pour passer chez Alceste et s'immerger dans son dialecte dépuratif, la langue d'une autre ville possible. Il fonça et déambula dans les ruelles désertes où le froid et la peur de l'émeute incitaient à rester chez soi. Comme souvent, c'est dans ces moments d'immobilité, devant l'aimable toile de fond formée par les façades, qu'il renouait avec la grâce et la pâleur de Parme, avec ses ombres, mystérieuses et pudiques."
La Stratégie du lézard rappelle douloureusement les combats perdus, la saloperie qui gagne du terrain, et si Soneri trouve refuge dans les plaisirs sensuels (l'amour, un bon repas et du bon vin apaisent les tourments), il ne perd rien de sa colère. Tout reste éminemment politique, et face à l'ampleur du désastre, il n'est pas de modération possible, car la modération est pire qu'une reddition, comme Soneri le dit à Juvara alors qu'ils évoquent des manifestants :
" Je les préfère aux bienpensants qui exhibent leur médiocrité en la faisant passer pour de la modération. S'il y a bien une catégorie de merde, c'est celle des modérés. Qui, en réalité, ne le sont pas du tout. N'oublions pas que les choses les pires de ce pays sont advenues grâce à leur consentement."
Et je crains que ce ne soit pas terminé.
Quoi qu'il en soit, La Stratégie du lézard est un Soneri de 1ère classe, et vous avez bien de la chance si vous ne l'avez pas encore lu.
Valerio Varesi, La Stratégie du lézard (Il Commissario Soneri e la Strategia della Lucertola), Agullo Noir, 2024. Traduit de l'italien par Florence Rigollet.
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