Présentation éditeur
Tokyo.
Un incendie criminel ravage le cœur de l’un des plus grands quartiers d’affaires au monde.
L’enquête est confiée à Hayato Ishida, flic prodige mais solitaire qui tente de se reconstruire en marge de la Crim. Il est rejoint par Noémie Legrand, Franco-Japonaise décidée à briser les chaînes d’un quotidien frustrant.
Sur leur chemin, un couple d’étudiants dans le besoin, à la merci d’une communauté où solidarité rime avec danger.
Et, tapi dans l’ombre, celui qui se fait appeler Izanagi, bien décidé à mettre son plan destructeur à exécution.
Ce que j'en pense
Vous le savez, je ne suis pas très attirée par le thriller, sans doute parce que j'en ai une mauvaise image, à cause de thrillers états-uniens que je trouve pénibles, et parce que le roman noir me plaît davantage (j'aime quand ça se finit mal), et sans doute parce que je suis une connasse prétentieuse.
Les éditions Denoël m'ont envoyé ce roman de Cyril Carrère, et le fait que l'intrigue se déroule au Japon m'a attirée. J'ai lu avec plaisir cette histoire fichtrement bien construite, avec des personnages bien campés, et vous savez que je n'en parlerais pas si ce n'était pas le cas. Hayato Ishida est agaçant à souhait, et Cyril Carrère brosse avec lui un personnage d'enquêteur hors-normes comme on les aime. Et en fin connaisseur du Japon, il propose aussi aux lecteurs une enquêtrice qui est notre point d'entrée dans cette culture: Noémie Legrand, une Franco-japonaise.
On ne peut plus claironner (si tant est que les choses se soient posées un jour comme ça) que le thriller, contrairement au roman noir, ne dit rien de la société. Non seulement je pense que même le cosy crime dit des choses de ce que nous sommes et vivons, de nos aspirations, mais plus directement, le thriller désormais s'empare de questions sociales, même s'il ne les traite pas du tout comme le roman noir (regardez Stephen King). Ici, Cyril Carrère, à travers les deux étudiants et les actes criminels commis, jette un regard sur le Japon contemporain et urbain, sur la dureté de cette société.
Surtout, Cyril Carrère ne cède pas à certaines facilités (à mes yeux) du thriller, qui m'ont longtemps tenue éloignée du genre. Il ne nous fait pas de retournements de situations aberrants et incessants. Et je me disais en refermant le roman : finalement, les thrillers - comme les grands récits d'énigme - jouent avec des procédés narratifs et littéraires. Vous allez encore dire que je fais mon intello à deux balles mais ici, l'auteur use de la rétention d'informations : je ne peux en dire plus sans vous gâcher le plaisir. Je n'ai rien vu venir, mais sachez que ça m'a semblé bien plus intéressant et malin que les plot-twists débiles de certains Helvètes qui jouent les malins ou de certains "maîtres" américains du thriller qu'on voit venir à dix mille kilomètres tant leurs recettes sont éculées.
N'en déplaise aux détracteurs du genre (dont je suis aussi, bien souvent), le thriller d'aujourd'hui est certes un divertissement auquel on a le droit de ne pas adhérer, mais il est aussi une forme qui joue des possibilités de la narration pour offrir un jeu littéraire retors et très intéressant.
Je me dis depuis quelques temps qu'il faudrait se coller à une étude littéraire sérieuse, d'ampleur, du thriller. Il est le plus commercial ET le moins légitime dans la galaxie des fictions criminelles, ce qui explique que les universitaires ne s'y salissent pas les pattes, mais je pense qu'il y a quelque chose de passionnant à faire, sur son histoire et son évolution.
Cyril Carrère, La colère d'Izanagi, Denoël Sueurs froides, 2024.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire