samedi 13 janvier 2024

Le concert de Muharem Bazdulj



Présentation éditeur

Sarajevo, 23 septembre 1997. U2 est en plein dans sa tournée Pop Mart, et offre aux spectateurs ce soir-là un concert mythique ! Le premier show d'un groupe majeur en Bosnie depuis la fin de la guerre en 1995. Un pur moment de rock'n'roll. Tous les classiques font résonner le stade : « Miss Sarajevo » bien sûr, jusqu'à « Sunday Bloody Sunday », et aussi « New Year's Day », où Bono sollicite l'aide du public, car il avait perdu sa voix le matin même… Avant de ponctuer par son célèbre « Viva Sarajevo ! Fuck the past, kiss the future! ».
Le roman de Muharem Bazdulj suit une galerie de protagonistes Sejo le jour du show légendaire. De Marko, fan inconditionnel, à Zeljko, supporter de foot, qui se doit d’être présent au stade, jusqu’au journaliste croate qui couvre l'événement… Cette nuit magique fut pour tous le symbole d’un retour à la normale dans cette région depuis trop longtemps en tension. Elle est devenue la frontière métaphorique entre le conflflit et la paix, et restera pour U2, selon leur déclaration, leur concert préféré.


Ce que j'en pense

Le principe est simple : les chapitres nous présentent une succession de personnages, qui tous se rendent au concert de U2 du 23 septembre 1997 à Sarajevo. C'est autant un évènement politique que musical, par lequel U2 entend marquer, au milieu de sa tournée PopMart, le fragile retour à la normale d'un pays qui sort de la guerre. 

Il y a là tout ce qui me plaît : un roman kaléidoscopique, qui après le chapitre de présentation de l'évènement passe de personnage en personnage, jusqu'au concert, point d'orgue et de rassemblement, et ses lendemains. Il y a la musique, car adolescente, j'ai aimé U2 (j'avais 16 ans à la sortie de The Joshua Tree, que j'écoutais en boucle alors), et j'avais adoré que le groupe fasse monter sur scène Salman Rushdie, qui n'était plus apparu en public depuis le lancement de la fatwa. 

Muharem Bazdulj a un sacré talent pour brosser le portrait de ses personnages, pour les faire exister en quelques lignes par le prisme de cet évènement. Il restitue avec une force incroyable l'élan de vie de cette jeunesse qui a vécu l'horreur, car c'est cela qui l'intéresse : la pulsion de vie, et non la mort. On perçoit pourtant les fractures, les tragédies (à travers, notamment, les superbes Azra et Sejo) : le poids de l'Histoire est là.

Il écrit aussi avec délicatesse ces moments fragiles et improbables, Larry Mullen Jr et The Edge devant leur bière dans la nuit, Brian Eno à la terrasse d'un resto au petit matin. 

Pour ma part, j'ai lu d'une traite Le concert, et je l'ai refermé avec émotion. Ceux qui me connaissent savent mon goût pour les littératures de l'est, comme on dit, et mon sentiment d'une histoire commune et d'une forte appartenance européenne. Et c'est pour cela que Le concert m'a tant touchée.  

Muharem Bazdulj, Le concert (Концерт), Tropismes Editions, 2024. Traduit du serbe par Zivko Vlahovic.


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