samedi 13 janvier 2024

Il s'appelait Doll de Jonathan Ames



Présentation éditeur

Happy Doll, alias Hank Doll, une cinquantaine d’années, habite Los Angeles. Il est détective privé le jour et vigile dans un salon de massage la nuit, après une carrière dans la Navy et dans la police. Lorsque son ami Lou Shelton vient lui demander de lui donner un rein qui lui sauvera la vie, il hésite pendant une nuit. Cependant, le lendemain matin, les choses se compliquent alors que Lou vient s’écrouler, mortellement blessé par balle, dans ses bras et lui confie, avant d’expirer, un gros diamant. Commence alors pour Hank toute une série de péripéties rarement agréables, sur les traces des assassins de Shelton dans les bas-fonds de L.A.

Ce que j'en pense

Hasard ou non des parutions, j'ai lu ce roman juste après avoir relu Le Grand sommeil de Raymond Chandler, dans l'épatante traduction de Benoît Tadié (Série Noire), ce qui m'a permis de saisir la parenté entre les deux types d'univers et d'écriture. Jonathan Ames livre avec Il s'appelait Doll une merveille d'hommage au roman noir américain, et si cela m'a fait penser à Chandler, c'est qu'il y a chez Ames une même mélancolie, une tendance contemplative qui vous tord le coeur. Hank Doll est un privé qui, faute de clients en nombre suffisant, est aussi vigile dans un salon de massage le soir ; comme il se doit, il est un brin cynique mais d'une lucidité et d'une loyauté sans faille, comme Marlowe. Ce n'est pas un loser même s'il est un peu paumé à ce moment de sa vie. Ex-marine, ex-flic, il en a sous le capot, en quelque sorte. C'est aussi un solitaire, dont le meilleur ami est George, son chien. Là se trouve une trouvaille du roman : dépeindre la relation entre un homme et son chien, sans niaiserie, en restituant la force qui peut lier un individu et son animal. C'est magnifique, croyez-moi. 

A la fois maladroit et intelligent, Doll ne tarde pas à mettre le doigt là où il ne faut pas, et à déclencher une série de catastrophes. L'intrigue est rocambolesque à souhait - mais rappelez-vous, celles de Chandler étaient parfois bigrement embrouillées - et on ne peut lâcher le roman. On commence avec une possible greffe de rein et on termine par le démantèlement d'un trafic énorme. Rappelons que l'auteur est scénariste : chez certains, ça donne une écriture transparente (et sans intérêt), chez Ames cela se traduit par une efficacité incroyable, un sens du rythme, sans que soit oubliée l'écriture romanesque. Il y a aussi ce ton, distancié, légèrement sarcastique, très hard-boiled : de l'humour sans gros sabots, ça fait du bien. 

Il s'appelait Doll est un bijou de roman noir, dans lequel Jonathan Ames ne se contente pas de faire le malin ("regardez comme je connais bien mes classiques, je vous fais un roman méta parce que je suis tellement intelligent") mais livre un vrai et grand roman noir. 


Jonathan Ames, Il s'appelait Doll (A Man Named Doll), Joëlle Losfeld, 2024. Traduit de l'anglais (USA) par Lazare Bitoun. 



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