Présentation éditeur
Sur le point de quitter l’Europe, Dimitri Gallois et Luna Yamada sont victimes d’un règlement de compte sanglant. Mafia serbe, armée privée américaine, groupe bancaire basé au Luxembourg : la véritable cible de cette collusion toxique est Santo Serra, à la tête d’une branche stratégique de la ‘Ndrangheta, et c’est avec lui que Dimitri et Luna vont tenter de briser l’engrenage mortel qui les happe.
Lorsque l’horizon semble s’éclaircir, Luna disparaît au cours d’une embuscade. Pour la retrouver, Dimitri va fouler les terres les plus noires de la sauvagerie et de la folie contemporaines.
Ce que j'en pense
Terres noires est le volume conclusif d’une trilogie, et quelle conclusion !
Nous retrouvons ici Dimitri, Luna, Nesrine, Keller, tous ceux que l’on a aimés. Le roman s’ouvre sur la promesse d’un départ, sur la possibilité d’accéder à « la vraie vie vivante ». Pour cela, il faut quitter l’Europe, s’arracher à l’anéantissement de « ce monde somnambule » qui poursuit « son inexorable errance vers la nuit, le feu et la mort ». Mais vous vous en doutez, ce ne sera pas simple.
Terres noires continue, après Mécanique mort, de montrer la source du chaos, de révéler les racines du Mal, et pour cela, il lui faut remonter au haut de la pyramide, là où se niche la promesse du néant. La finance, la banque, et vous n’aurez pas de mal à reconnaître la banque « réelle » qui ne se cache même pas : comme toujours, Sébastien Raizer mentionne ses sources. Elles sont nombreuses, elles sont disponibles, tout est clair à qui veut voir.
Autrement dit, Sébastien Raizer poursuit le changement d’échelle amorcé avec Mécanique mort, et il aborde la dernière phase de la destruction : après la crise (Nuits rouges), le crime (Mécanique mort), voici la guerre, totale, folle, inéluctable, dernière étape de la prédation capitaliste.
« Parce que la guerre est la nature fondamentale du capitalisme, système plus vérolé que la vérole elle-même. On nous demandera, dans l’absolu des siècles : « et vous faisiez partie de ce système ? », ou bien : « et vous souteniez et alimentiez ce système ? ». Alors, dans la sincérité de notre cœur, frères humains, que répondrons-nous ? »
Pour montrer les forces à l’œuvre, il introduit ici Santo Serra, chef de l’organisation criminelle, superbe personnage qui, comme Sébastien Raizer nous y habitués, est à la fois une force de chaos (la criminalité organisée) et une force d’équilibre. Face à nos personnages, Thomas Allen, à la tête de la grande société bancaire et financière prête à détruire le monde pour asseoir son empire, pure force de chaos et de destruction qui sème la mort dans l’entourage de Santo Serra, et qui n’hésite pas à faire de l’Europe et de la planète un enfer, littéralement, qui brûle, se consume. Parce que « la crise, le crime et la guerre sont profitables ».
L’affrontement promet d’être sanglant.
Terres noires m’a semblé plus sombre (c’est vous dire) que les précédents volumes. Il y a des moments de délire presque réconfortants, et je vous laisse découvrir la mue de Midget. Mais l’heure n’est pas à l’échappée dans des instants de tendresse et d’humour. Ou plutôt, pour y accéder, il faut en passer par le trou noir de la destruction.
Dans la lignée de la lecture politique de Mécanique mort, Terres noires montre la dernière phase du cycle, celle de la guerre, de la destruction de toutes choses. A sa manière, il envisage l’apocalypse. Nihiliste, le roman affiche volontiers sa parenté avec Dostoïevski. Sébastien Raizer n’est ni un complotiste ni un fou, il livre une vision puissamment poétique et spirituelle, et la destruction ne débouche pas sur le néant, mais sur un autre possible. Et je ne révèle rien en vous disant que le dernier mot du roman est « vivantes ». Si Terres noires est plus sombre, il offre l’accès à la « vraie vie vivante » par un épilogue sidérant de beauté.
Dans la mort il y a de la vie, et inversement. Auprès de Gallois, marqué par la mort et la perte, il y a Luna.
Et toujours, ce sens du rythme, de l’intrigue, la force inouïe des personnages.
Avec Terres noires, Sébastien Raizer livre une « œuvre noire solaire », concluant magistralement sa trilogie européenne.
Sébastien Raizer, Terres noires, Gallimard, Série Noire, 2023.
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