lundi 25 septembre 2023

L'Echiquier de Jean-Philippe Toussaint

Présentation éditeur



« Je voulais, écrit Jean-Philippe Toussaint, que ce livre traite autant des ouvertures que des fins de partie, je voulais que ce livre me raconte, m’invente, me recrée, m’établisse et me prolonge. Je voulais dire ma jeunesse et mon adolescence dans ce livre, je voulais débobiner, depuis ses origines, mes relations avec le jeu d’échecs, je voulais faire du jeu d’échecs le fil d’Ariane de ce livre et remonter ce fil jusqu’aux temps les plus reculés de mon enfance, je voulais qu’il y ait soixante-quatre chapitres dans ce livre, comme les soixante-quatre cases d’un échiquier. »

Ce que j'en pense

Jean-Philippe Toussaint et moi, c'est une vieille histoire : pas autant que Modiano, mais tout de même. J'ai commencé à le lire en 1997, lorsqu'est sorti La Télévision, et j'ai depuis lu presque tous ses livres. Comme j'attendais que ma librairie préférée reçoive de nouveaux exemplaires de L'Echiquier, j'ai relu La Salle de bain pour patienter. Et j'ai enchaîné ce week-end avec ce nouvel opus, que je suis allée acheter samedi. Je ne saurais dire pourquoi j'aime cet auteur, mais le fait est : sa délicatesse, son auto-dérision, son sens de la Beauté, le rythme de ses récits et de ses phrases, tout me séduit.
Avec L'Echiquier, Toussaint livre en 64 chapitres - comme le nombre de cases sur l'échiquier - une introspection, une promenade autobiographique dans laquelle se mêlent souvenirs fondateurs et réflexions sur l'écriture. Dans cet autoportrait de l'auteur, il y a une sorte de contrainte - 64 chapitres, jamais deux fois la même "case" - et pourtant, le récit semble totalement libre, fonctionnant par associations, ellipses, bifurcations.
Vous allez dire que c'est une obsession, mais je lui ai trouvé des accents furieusement modianesques, à cet Echiquier, lorsqu'est évoqué cet ami de pensionnat, disparu d'une façon mystérieuse, lui dont la vie entière était nimbée de mystère... Et puis il y a Gilles Andruet, ami d'enfant aussi, reparu, disparu, mort tragiquement.
L'Echiquier évoque la figure du père de l'auteur, et les appartements dans lesquels Toussaint a vécu au fil des ans, ou qu'il a fréquentés. En relisant La Salle de bain, j'ai d'ailleurs été frappée par l'importance des lieux de vie, de l'appartement, justement.
L'Echiquier est plein de ces ombres, père, amis, lieux, qui font une vie, qui sont comme des fantômes qui peuplent l'esprit de l'auteur quand la vieillesse se profile, fantômes qui se font plus présents lorsque la pandémie survient, et avec elle, la suspension de toutes activités sociales et professionnelles, ou presque.
Et tout au long du récit, la réflexion sur l'écriture, la fiction, le rapport au réel, le jeu : les grands joueurs d'échec du XXème siècle, Nabokov, Zweig, sont autant de fantômes qui parcourent ces pages, donnant au texte une profondeur émotionnelle qui va bien au-delà d'une écriture à contrainte.
L'Echiquier est sans doute plus sombre, ou plus mélancolique que d'autres textes de l'auteur, mais une fois encore, quelle beauté, quelle grâce!
Voilà, vous le savez maintenant, Jean-Philippe Toussaint fait partie de mon petit panthéon personnel.

Jean-Philippe Toussaint, L'Echiquier, Editions de Minuit, 2023. 

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