mercredi 11 mars 2020

Sugar Run de Mesha Maren


Présentation éditeur
À trente-cinq ans, Jodi McCarty a passé la moitié de sa vie en prison. D'abord condamnée à perpétuité, elle vient d'obtenir sa liberté conditionnelle. Elle part retrouver sa famille dans les collines pourpres de Appalaches, où un bout de terrain l'attend. Cependant, avant de se tourner vers l'avenir, Jodi doit faire un détour par le passé et tenir une promesse. En route vers le Sud, elle fait a rencontre de Miranda, une jeune mère désemparée qui fuit son mari. Mues par un coup de foudre électrique, les deux femmes décident de prendre ensemble un nouveau départ. Encore faut-il que leur passé leur laisse une chance.

Ce que j'en pense
Je ne suis pas sans réserves sur ce roman, et je les vais évoquer d'emblée avant de passer à ce que j'ai aimé. La première est une réserve, légère, sur l'intrigue même, qui est assez classique; trop, diront certains. Jodi sort de prison et espère une rédemption loin du monde, dans la cabane-maison où elle a grandi auprès d'Effie. Miranda est la femme-enfant, femme fatale accro aux cachets et à la séduction. C'est une figure qu'on a beaucoup vue, à la fois dans la littérature et au cinéma, dont la blondeur faussement ingénue rappelle à mes yeux Marylin Monroe, et dont le charme peut s'avérer létal. Mais il n'y aura pas vraiment de rédemption pour Jodi, ça on s'en doutait, non? Donc, voilà ma première réserve, mais je l'atténuerai en disant que malgré tout, cette trame classique est revivifiée par le fait que les deux personnages sont des femmes. Ma deuxième réserve est un peu plus sérieuse, elle est liée au rythme du récit et à son foisonnement : non non, je ne me contredis pas. J'ai parfois eu l'impression que Mesha Maren avait voulu traiter trop de choses, trop de sujets, aller vers trop de situations narratives, et qu'en même temps le récit souffrait d'un manque de rythme. Il y a la partie carcérale, il y a les jours au motel, il y a la cabane, puis l'exploitation des ressources naturelles qui menace le fragile équilibre, il y a le rapport à la nature : et de fait, tout cela pourrait être mieux articulé, à mon sens, et ne l'est pas vraiment. Le plus net à mon sens est l'exploitation du gaz de schiste, qui n'est qu'effleurée; si ce n'est qu'un accélérateur de récit, c'est dommage. Et comme on passe d'un truc à un autre, le récit souffre d'une certaine lenteur. Je ne vous cache pas que j'ai dû m'accrocher dans les cent premières pages pour poursuivre ma lecture, car j'avais un sentiment de déjà-vu et d'inabouti tout à la fois. 
Pourtant, je suis allée jusqu'au bout et je ne le regrette pas. Il ne faut pas oublier que c'est un premier roman, et qu'en tant que tel, il n'est pas médiocre du tout, loin s'en faut. J'ai aimé les personnages : Miranda n'a pas de réelle épaisseur, mais c'est normal, elle est la projection des fantasmes des autres. Ricky est un beau personnage, que j'aurais aimé connaître davantage, mais somme toute, il reste d'une opacité inquiétante, et c'est bien comme ça. J'ai beaucoup aimé Jodi, ses failles, ses défauts, ses errements, son humanité si faillible, et j'ai apprécié de faire brièvement la connaissance de Farren. Il y a de vrais moments de grâce à mes yeux dans ce roman, des moments suspendus, hors du monde, et même si ce sont des moments éphémères, menacés, ils sont beaux. Et je pense aussi, sans connaître tout à fait la réalité américaine, que Mesha Maren évoque avec subtilité la question de l'homosexualité et de sa perception dans ce milieu de petits blancs : l'homophobie est présente, évidemment, mais il n'y a pas le déchaînement de haine qu'un mauvais auteur aurait utilisée, plutôt une menace permanente, ou une indifférence qu'on jugerait presque de bon aloi. C'est ce que je retiendrai de ce roman, sa subtilité, la tristesse aussi qui s'en dégage, car Jodi ne voudrait au fond qu'une chose, qu'on l'aime, et avoir la paix. 

Mesha Maren, Sugar Run, Gallmeister, 2020. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par juliane Nivelt.

3 commentaires:

keisha a dit…

les romans récents chez gallmeister me déçoivent souvent, je ne vais donc pas tenter la lectrue

Electra a dit…

j'ai lu des avis très proches du tien
si un jour je le croise à la BM (dans quelque temps maintenant hein...) je le prendrais peut-être !

Tasha Gennaro a dit…

@Keisha : je crois que je n'osais pas me le formuler ainsi, mais je partage ton avis.
@Electra, oui, en BM, je crois que c'est bien, sinon...