mercredi 15 février 2017

Seules les bêtes de Colin Niel


Présentation éditeur
Une femme a disparu. Sa voiture est retrouvée au départ d’un sentier de randonnée qui fait l’ascension vers le plateau où survivent quelques fermes habitées par des hommes seuls. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste et que l’hiver impose sa loi, plusieurs personnes se savent pourtant liées à cette disparition. Tour à tour, elles prennent la parole et chacune a son secret, presque aussi précieux que sa propre vie. Et si le chemin qui mène à la vérité manque autant d’oxygène que les hauteurs du ciel qui ici écrase les vivants, c’est que cette histoire a commencé loin, bien loin de cette montagne sauvage où l’on est séparé de tout, sur un autre continent où les désirs d’ici battent la chamade.

Ce que j’en pense
Mon impression est très mitigée sur ce roman. Je lui trouve toutes les qualités, sauf une et elle est de taille. 
Je commence par ce qui me plaît, comme à d’autres chroniqueurs. Oui, Colin Niel écrit très bien, et c’est un beau talent que celui qui consiste à trouver cinq voix, cinq manières de s’exprimer, de manière crédible et presque « naturelle ». D’Alice à Armand en passant par Joseph, on entend les personnages, ils prennent corps grâce à l’écriture de Colin Niel. 
Oui, il propose une belle réflexion sur la solitude, celle que vit d’une manière spécifique chaque personnage, la plus âpre, celle de Joseph, à la plus pernicieuse, celle d’Armand. Tous sont taraudés par leur solitude ou par un amour qui ne peut avoir d’issue heureuse. 
Oui, il capte et construit des atmosphères magnifiques, qui m’ont parfois rappelé le travail de Franck Bouysse dans Grossir le ciel. Ces fermes isolées, ce climat rude, ces rancoeurs tenaces, ces paysages somptueux et effrayants à la fois. Il sait instiller un peu de merveilleux aussi, ou de fantastique, avec Joseph qui entend bouger l’armoire la nuit… 
Tout cela est fort bien, me direz-vous. Oui. 
Mais beaucoup louent la redoutable construction de l’intrigue, les surprises finales. Et c’est là que je ne marche plus, que le roman me déplaît et m’irrite. D’Alice à Joseph, et même jusqu’à Maribé, ça me va. J’ai aimé l’enchaînement entre le récit d’Alice et celui de Joseph, la façon dont le deuxième reprend pour ainsi dire là où le premier s’arrête. A ce stade j’étais franchement enthousiaste. 

Mais de deux choses l’une : soit le roman que je lis est un récit d’énigme ou même un thriller, et dans ce cas, OK, on peut me nouer tous les fils qu’on veut. Soit c’est un roman noir, et là je tolère moins l’enchevêtrement des destinées qui suppose ici son lot de coïncidences, et pas des moindres. Je ne marche pas. Je ne peux vous en dire plus sans dévoiler l’intrigue, et si je n’ai pas aimé, je ne veux pas pour autant gâcher votre plaisir. Visiblement, je suis la seule à ne pas aimer ce roman. On peut y voir l’expression ultime du tragique. Pour moi, Colin Niel n’a pas résisté à la tentation d’une intrigue diaboliquement tissée, et il faut reconnaître qu’il maîtrise son affaire. Mais dans un roman noir, ce n’est pas ce que j’attends. 
C’était la première fois que je lisais Colin Niel, et je pense que je me tournerai vers l’un de ses précédents romans : ce n’est pas parce qu’une de ses intrigues m’a déplu que le reste ne me séduira pas. Mais Seules les bêtes, c’était un rendez-vous manqué. 


Colin Niel, Seules les bêtes, Editions du Rouergue, Rouergue Noir, 2017. Disponible en ebook. 

5 commentaires:

Clopinette007 a dit…

Bonjour,
J'ai lu avec intérêt votre chronique, bien que "Seules les bêtes" soit encore dans ma pile à lire ...
Je vous conseille vraiment les précédents ouvrages de Colin Niel, où vous devriez trouver ce qui vous a déçu dans "Seules les bêtes".En plus de cette fluidité dans l'écriture si bien maitrisée par Colin Niel, on se trouve plongé dans un univers passionnant d'intrigues et de quasi-sociologie guyannaise,qui m'a passionnée et qui m'a aussi beaucoup appris ...

La petite Souris a dit…

bonjour. Je trouve ta chronique très intéressante. J'ai lu un roman de cet auteur que j'avais trouvé plutôt bon. Je n'ai pas lu celui ci, mais le fait que tu sois (peut être) la seule à ne pas avoir aimé ce roman, rend ton avis d'autant plus utile et respectable. J'ignore si je lirai celui ci car je n'ai pas prévu de l'acheter mais si c'est le cas je ne manquerai pas de me rappeller tes propos pour me faire ma propre opinion ;) A bientôt !

Tasha Gennaro a dit…

@Clopinette007 : ah mais c'est certain, je lirai d'autres romans de l'auteur! Les qualités de celui-ci sont trop nombreuses pour que je m'arrête là. Merci d'être passé(s) par là!!
@La Petite Souris : Coucou! Merci. Bah, ce n'est que mon avis, mais si j'en crois les réactions sur FB, mieux vaut ne pas être d'un avis différent. 😎 Plus sérieusement, j'ai apprécié nombre de qualités du roman, j'en lirai donc un autre de l'auteur pour voir ce qu'il en est.

Electra a dit…

Tu n'es pas trop dure ! Le début est même tout l'inverse, son style, son talent pour créer des personnages avec de la profondeur - et traduire la solitude sous toutes ses formes. Donc c'est très flatteur. Après est-il classé sous le genre thriller ? Ou noir ? Je n'arrive pas à comprendre parfaitement ce qui t'a déplu (les grosses ficelles, ok) ? Trop de rebondissements ? De coïncidences ? Ou alors un fin pas assez noire ? Je n'ai jamais rien lu de lui même si son nom m'est familier. À tester. Mais avec un autre roman !

Cardamone a dit…

Moi aussi mon enthousiasme s’est envolé avec la partie africaine, même si ce n’est pas tout à fait pour les mêmes raisons: j’ai trouvé que la narration devenait beaucoup moins juste, beaucoup moins prenante et moins convaincante - d’où la même déception.