lundi 4 mai 2015

Manderley for ever de Tatiana de Rosnay


J’ai lu récemment un article sur la nouvelle traduction de Rebecca de Daphné Du Maurier dans Le Canard Enchaîné, et cela m’a donné une furieuse envie de l’acquérir. J’ai entendu à la radio (je ne sais sur quelle station, c’était pendant la grève à Radio France) une interview de Tatiana de Rosnay, auteure d’une biographie de la romancière, et par un curieux détour, j’ai décidé de la lire. Je dois confesser un apriori négatif sur la biographe, mais n’ayant aucune idée de ce qu’avait été la vie de Daphné Du Maurier, je me suis tout de même lancée. 
Mon impression finale est assez réservée… 
Ce que j’ai aimé : eh bien partant de rien, j’ai eu le sentiment d’apprendre des tas de choses, et la vie de la belle Daphné est romanesque à souhait; issue d’une famille privilégiée et cultivée, elle a connu son lot de tragédies, d’amours exaltées, de fortunes littéraires et d’embêtements divers (le procès pour plagiat par exemple). Dans l'Angleterre edwardienne, elle détonne: fille qui se voudrait garçon, bisexuelle, indépendante, passionnée...
Ce que je n’ai pas aimé: je n’aime ni l’écriture ni le rythme de la biographie. Tatiana de Rosnay abuse des facilités supposées attiser la curiosité du lecteur, clôturant par exemple un peu trop ses chapitres d’effets d’annonce inutiles, laissant présager le basculement soit dans le bonheur quand tout va mal, soit dans la tragédie quand tout va bien. Et puis je me suis un peu ennuyée à mi-chemin. Aussi romanesque soit la vie de la romancière, sa biographe étire un peu les choses et je n’en voyais plus le bout. Enfin, il me semble qu’il y a des maladresses: lorsque Daphné est nouvellement mariée, elle se rend compte que son bel officier de mari est traumatisé par ses faits de guerre (la première guerre mondiale), et que ses nuits sont agitées par de terribles cauchemars qui le laissent pantelant et sanglotant « comme un petit garçon ». OK. Vers la fin de sa vie, le beau mari a subi le nouveau traumatisme d’une seconde guerre mondiale atroce, et il sombre peu à peu dans l’alcoolisme et la maladie. Dans ses derniers jours, il n’est plus que l’ombre de lui-même, et pleure. Notre biographe écrit alors sans sourciller que Daphné Du Maurier le voit pleurer pour la première fois. 

Hein? Quoi? Comment? 

Ce n’est qu’un détail, me direz-vous. Mais ajouté aux facilités de style qui pullulent par ailleurs, ce détail agace. 
Ma méfiance étant éveillée, je me demandais quelle était la part de « romance » (donc d'invention romanesque) dans la vision de cette vie agitée et je me suis dit que j’aurais peut-être mieux fait de me tourner vers une biographie plus savante, plus rigoureuse et moins romanesque. Pourtant, je pense que Tatiana de Rosnay s’est bien documentée. 
Je suis donc allée jusqu’au bout de ma lecture mais j’ai été soulagée quand j’ai tourné la dernière page… Je n’ai pas encore acheté Rebecca, dont la biographie m’a appris qu’elle remplaçait une traduction-massacre, qui a amputé le texte de 40 pages environ et qui a souffert d’une traductrice qui imprimait un peu trop sa patte au texte. Manderley for ever m’aura au moins convaincue de la nécessité de redécouvrir Rebecca (et d’autres romans de l’auteure). Et confirmé que je ne lirai pas (plus) Tatiana de Rosnay. 


A lire en écoutant :
Bryan Ferry, As Time Goes By

Tatiana de Rosnay, Manderley for ever, Albin Michel/ Héloïse d’Ormesson, 2015. Disponible en ebook. 

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