mercredi 15 avril 2015

Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux



Présentation
Nous sommes au tournant du siècle; l'Opéra est le lieu de mille intrigues, mais surtout, il est hanté par un curieux fantôme, qui régale les uns et asticote les autres de ses exigences farfelues... Pendant ce temps, Christine atteint au sublime en chantant Gounod, mais elle ne semble plus tout à fait s'appartenir. Mais qui est le Fantôme de l'Opéra? 

Ce que j'en pense
Je me demande bien comment j’avais pu arriver à mon âge vénérable sans avoir lu Le Fantôme de l’Opéra, et pour tout dire, je me demande aussi comment m’est venue, tout récemment, l’envie de plonger dans ce classique populaire. Des envies de retour aux sources dans la foulée de ma relecture de Jane Austen, je ne sais trop. Aussi différentes que soient ces deux oeuvres romanesques, par le genre, l’époque, le contexte, elles ont eu une chose en commun: m’emporter dans leur élan romanesque, m’enthousiasmer et m’émouvoir!
Je crois bien que j’avais oublié à quel point Gaston Leroux écrit bien: les premières pages qui évoquent la vie des coulisses de l’Opéra, les rats, les directeurs, les vanités, ah! c’est délicieux, piquant, caustique! Oui, Leroux a ce talent d’observateur et de portraitiste, il s’amuse et nous amuse, tout en posant avec soin son décor. 
Et il a bien raison d’intituler son roman Le fantôme de l’Opéra, car c’est bien lui le héros, celui pour lequel on vibre. J’aime bien Raoul, l’aristocrate énamouré, et j’aime bien Christine, la pure jeune fille au destin si particulier, objet d’amour, grâce absolue. Mais ils ont bien peu d’épaisseur par rapport à Erik, le sombre, cruel et tragique Erik, notre fantôme. Il est le vrai moteur du récit, il est la source des émotions les plus fortes du lecteur, qu’il s’agisse de faire frissonner ce dernier ou de l’émouvoir aux larmes. Il y a quelque chose de romantique après l’heure dans ce personnage, alliance tragique entre sublime et grotesque (comme chez Hugo), mais aussi quelque chose de grand-guignolesque. Erik semble sorti d’un film d’horreur autant que d’une histoire d’amour belle et triste… 
Enfin, j’admire le talent de conteur de Leroux. Son narrateur, qui entreprend de reconstituer les circonstances de ces tragiques et mystérieux évènements, mène la danse, recueille documents et témoignages, le tout donnant un récit rondement mené, avec des récits dans le récit, sans que jamais on se sente égaré en lisant. Bien plus, on ne s’ennuie pas une seconde, et on se laisse mener par le bout du nez avec plaisir. Tout est d’une diabolique simplicité, somme toute, et en même temps d’une efficace complexité. Je dois dire que jusqu’au bout, je me suis demandé si Leroux allait opter ou non pour le fantastique, tant l’atmosphère des dessous de l’Opéra est surréelle. Certains aspects m’ont fait penser à Fantômas, le recours à la « magie », aux trucs. Cela habite l’imaginaire romanesque de l’époque, sans aucun doute. 
L’ensemble n’est pas sans force, sans profondeur. L’amour, la séduction, la manipulation, la laideur, la beauté… Et je ne veux pas savoir ce qu’en ont fait les auteurs du « musical » anglo-saxon, aussi bien dans le propos (je crains la niaiserie suprême) que dans la musique, qui touche ici au sublime, forcément… 
C’était bon de plonger dans Leroux, de se laisser séduire par Le Fantôme de l’Opéra. Je relirai sans aucun doute ce beau roman. 


Gaston Leroux, Le Fantôme de l’Opéra, 1910. Lu dans la très bonne édition électronique de la Bibliothèque électronique du Québec (une fois de plus!): allez sur la bibliothèque Gaston Leroux ici (clic)


A lire en écoutant: 

6 commentaires:

keisha a dit…

Lu il y a très longtemps...
J'ai aussi vu le (vieux) film muet, accompagné sur scène par un orchestre, un régal!

Tasha Gennaro a dit…

Ah ça devait être chouette! Moi je devrai me contenter de la version DVD, mais j'ai quand même très envie de le voir.

maggie a dit…

Il faudrait que je le relise ! Et que je découvre d'autres oeuvres de cet auteur que j'aime bien

Shelbylee a dit…

Je l'ai découvert il y a peu de temps aussi, mais contrairement à toi, j'y suis venue par la comédie musicale. Même si la fin est différente, on ne peut pas vraiment parler de niaiserie.
Je suis aller voir le spectacle à Londres et les décors sont prodigieux. Le lustre s'écroule sur la salle, j'étais en haut et j'ai déjà eu peur, je n'imagine même pas ceux qui était en-dessous !

Tasha Gennaro a dit…

@Maggie : je me suis dit aussi qu'il fallait que j'en lise d'autres, car je ne connais guère que certains Rouletabille.
@Shelbylee : au temps pour moi! Tu sais, je crois que je suis traumatisée par les comédies musicales franco-québécoises, et j'oublie le savoir-faire anglo-saxon en la matière. Voir ce spectacle à Londres, j'adorerais! Hélas, toutes les soirées de mon court séjour, la semaine prochaine, sont déjà prises...

Brize a dit…

A mon âge encore plus vénérable, je ne l'ai toujours pas lu et je crois que j'aimerais !
De l'auteur, "La poupée sanglante" avait été adapté en feuilleton (on ne disait pas encore série ;)) et j'en ai un excellent souvenir. J'ai peut-être lu le roman ensuite, mais je n'en suis plus sûre.