Présentation (éditeur)
Un mystérieux assassin supprime les
uns après les autres des blancs qui avaient perpétré des années auparavant un
massacre contre des militants anti-apartheid. Après plus de 15 ans d’absence,
le 4e volume des enquêtes de Yudel Gordon, psychiatre rattaché aux services de
l’autorité policère sud-africaine.
Mon avis
J’ai lu Wessel Ebersohn il y a quelques années déjà et ses romans sont
parmi les plus noirs et les plus désespérés qui soient, mais ils dégagent aussi
une beauté extraordinaire. L’auteur sud-africain écrivait dans un contexte particulier,
l’apartheid, et le moins que l’on puisse dire est que ses romans lui ont attiré
des ennuis… Quelques quinze ans après Le
cercle fermé, il ramène à la vie Yudel Gordon pour nous offrir La tuerie d’octobre, et j’avoue que
j’avais un peu peur en ouvrant le roman. Mes craintes se sont rapidement
envolées…
Bien entendu, le contexte a changé, mais la nation arc-en-ciel n’est
pas sortie indemne de ces siècles d’infâmie, et surtout, n’est pas aussi lisse
que voudraient nous le faire croire les brochures touristiques. Bref, il y a
matière, ô combien, à faire du roman noir aujourd’hui en Afrique du Sud. Loin
de toute vision manichéenne, Wessel Ebersohn montre un pays qui a évolué,
évidemment : il y a d’ailleurs un brin de légèreté et d’humour dans ce
roman, ce dont je n’ai pas souvenir dans les précédents. Le couple Yudel-Rosa
est le support rêvé de cet humour savoureux. Les codes du polar ont évolué, eux
aussi, et j’ai trouvé dans ce roman, un roman noir avant tout, quelques allures
de thriller ; il y a ce compte à rebours (la date fatidique du 22
octobre), les cachettes (l’une, un leurre, puis l’autre), la traque, la très
forte tension de la fin.
Pour le reste, on retrouve ce qui fait la force de Wessel
Ebersohn : un regard sans concession et sans cynisme sur un pays qui ne se
débarrasse pas facilement de ses vieux démons et une capacité hors pair à faire
exister des personnages. Il n’y a pas les bons et les méchants chez Ebersohn,
mais des êtres habités par leur passé, des dominants bien décidés à garder
leurs privilèges (économiques), des aspirants au pouvoir pas toujours bien
intentionnés, qui oublient en tout cas l’intérêt collectif au profit de leurs
appétits individuels, et des dirigeants (à tous niveaux) corrompus. Et même du
temps de l’apartheid, ceux qui étaient dans le bon camp n’étaient pas toujours
de doux agneaux : d’authentiques criminels ont aidé à la lutte, pas
toujours pour les meilleures raisons du monde. Rien n’est simple dans cette
nation traumatisée de toutes parts, tout est à construire encore.
J’ai eu un immense plaisir à retrouver Yudel Gordon, personnage
atypique et complexe, mais à côté des personnages déjà croisés dans les
précédents romans, de nouveaux ont d’emblée une force peu commune, aux premiers
rangs desquels Abigail, entre ambition et trauma. C’est un très beau
personnage.
Que dire encore ? Wessel Ebersohn est un immense auteur de romans
noirs, trop méconnu. Lisez La tuerie
d’octobre, mais lisez aussi Un coin
perdu pour mourir, La nuit divisée
et Le cercle fermé (ce dernier semble
indisponible mais on en trouve des exemplaires d’occasion, en attendant une
réimpression) : ils comptent parmi les meilleurs romans noirs, toutes
époques et ères culturelles confondues.
Wessel Ebersohn, La tuerie
d’octobre (October Killings),
Rivages Noir, 2014. Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Fabienne
Duvigneau. Publication originale : 2011.
4 commentaires:
Et bien et bien, jamais entendu parler de cette série alors que je suis plutôt fan de tout ce qui touche à l'Afrique du Sud. Je vais regarder tout ça de plus près. Penses-tu qu'il soit nécessaire de les lire dans l'ordre? En passant, sans être un roman policier, peut-être qu'Absolution de Patrick Flanery pourrait te plaire dans un genre similaire....
Ebersohn est malheureusement méconnu chez nous. Tu peux lire le dernier sans avoir lu le reste, pas de problème, Ebersohn a ramené son personnage des années après la "trilogie" (qui n'en est plus une), donc pas de problème. En revanche, les trois premiers, mieux vaut les lire dans l'ordre, pas tant pour l'intelligence du récit que parce qu'il y a une montée en puissance. Je ne connais pas Flanery, je vzais regarder ça!
Je ne connaissais pas du tout, mais çà me tente énormément ! Merci pour la découverte !
Je t'en prie! Tu me diras ce que tu en penses si jamais tu le lis!
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