lundi 17 février 2020

1994 d'Adlène Meddi



Présentation éditeur
1994 : c'est l'année où tout bascule pour quatre jeunes lycéens algérois d'El-Harrach. Le pays est à feu et à sang lorsque ces adolescents décident de former, avec leurs propres moyens, un groupe clandestin de lutte antiterroriste. Dans ce roman dense et puissant, à travers des personnages aussi emblématiques que complexes, Adlène Meddi raconte les guerres qui ont marqué le pays et qui imprègnent encore si intensément le présent des Algériens.


Ce que j'en pense.
En ce moment, je m'efforce de lire des romans qui n'ont que trop attendu leur tour, et de même que j'ai lu récemment Ce que nous avons abandonnés de Stuart Neville, j'ai lu ce week-end 1994 d'Adlène Meddi, lui aussi paru chez Rivages en 2018. Ce n'est pas un coup de coeur mais j'ai tout de même énormément aimé ce roman. Il y a bien sûr l'évocation d'une période terrible pour les Algériens, les années 1990, ici évoquées à travers une année de rupture pour les personnages d'Amin et de Sidali. J'étais un peu plus âgée qu'eux mais je suis tout de même de leur génération et j'ai le clair souvenir des horreurs évoquées quasi-quotidiennement dans les médias, des analyses qui renvoyaient les racines du mal aux lendemains de l'indépendance de l'Algérie, aux dérives du pouvoir en place. Dominait pour moi l'horreur des tueries, des attentats. Adlène Meddi en rend compte avec précision, avec émotion mais sans pathos, et surtout sans manichéisme. Il livre des éléments de compréhension, et pour moi 1994 a été une lecture éclairante. Le roman est parfaitement construit. Je sais que certains lecteurs ont eu du mal à adhérer au récit, à être captivé. Pour moi l'impression est différente mais je comprends : la mise en place peut sembler longue, mais elle est nécessaire et je trouve qu'il y a une accélération vers la moitié du roman, à partir du passage qui évoque la guerre d'Algérie, les combats pour l'indépendance. Trois niveaux temporels sont juxtaposés dans une construction très rigoureuse et efficace : le passé avec la guerre d'Algérie, l'année 1994, et des années plus tard, au moment où il faut solder les comptes, à la mort de la figure tutélaire et ogresque du Père. Au-delà de l'évocation d'une société ravagée par des luttes politiques et un pouvoir d'ordre militaire, au-delà du roman noir critique, il y a dans 1994 le portrait d'une génération, et peut-être aussi d'une classe sociale, en tout cas du peuple d'Alger, ou plutôt du peuple d'El-Harrach, ce quartier à la périphérie d'Alger, nid de révolte depuis des décennies. Ces jeunes gens, à peine sortis de l'adolescence, ont des aspirations de leur âge, boire, fumer, flirter ou plus, mais ils sont une génération perdue, fracassée par les massacres et la violence: on peut mourir en bas de soi, juste en allant retrouver des copains, on peut être fauché par des balles à la sortie du lycée. Et puis il y a l'héritage des pères, ces pères qui ont combattu pour l'indépendance de leur pays, et il faut se montrer digne de cet héritage, pensent-ils. C'est fort et déchirant, de voir ces jeunes gens chercher un sens à cette folie, par leur action, de les voir chercher une dignité quand leurs pères ont souvent été humiliés.

Je ne sais si 1994 a rencontré en France beaucoup de lecteurs : si ce n'est pas le cas, c'est injuste, car c'est un très beau roman noir, auquel je repenserai souvent, je pense.


Adlène Meddi, 1994, Rivages Noir, 2018. Précédemment publié en Algérie aux éditions Barzakh en 2017.

1 commentaire:

Electra a dit…

je n'en ai pas entendu parler (je parle du livre évidemment)
j'ai trop de lectures mais si je le croise, je pense qu'il pourrait intéresser mon beau-père, féru d'histoire !