jeudi 19 septembre 2019

Il était une fois à l'est d'Arpad Soltész



Présentation éditeur
Fin des années 1990, dans l’est sauvage de la Slovaquie.
Veronika, 17 ans, est enlevée par deux hommes alors qu’elle fait du stop. Après l’avoir violée, les deux malfrats prévoient de la vendre à un bordel au Kosovo. Mais la jeune fille s’échappe,
puis porte plainte auprès de la police locale. C’est alors que les choses se compliquent : les kidnappeurs semblent bénéficier
de protections haut placées, et l’enquête piétine… Aidée de Pavol Schlesinger, le journaliste qui raconte son histoire, Veronika tente d’échapper aux trois plus grands groupes criminels de l’époque : la police, la justice et les services secrets. Réfugiée dans un hôtel désert à la frontière ukrainienne, elle fait la connaissance
du mystérieux Robert, qui l’initie à la fabrication des bombes.
Car si elle ne peut obtenir justice, Veronika refuse de laisser impunis ses tortionnaires.
Et la vengeance est un plat qui se mange froid…

Ce que j'en pense
Amateurs de polars "office du tourisme", passez votre chemin. Ce n'est pas une Slovaquie de carte postale que nous livre Arpad Soltész, mais le portrait au vitriol d'un pays qui cumule les plaies de la sujétion à la Russie, reliquat de l'époque soviétique, et celles du capitalisme arrivé sur la région comme une nuée de sauterelles, dévastant tout, sans pitié. Le capitalisme trouve ici son aboutissement dans le trafic d'êtres humains et la prostitution, ramenant les femmes à un statut d'objet et de marchandise. Pour les trafiquants, tout se monnaye, tout s'achète et se vend, et seul compte le profit. Sur ce point, le constat n'est pas éloigné de celui de R. Saviano dans Gomorra: le crime organisé est un système économique ultra-libéral, international et très puissant. Mais nous sommes en Slovaquie, avec ses tensions : la minorité rom, le voisin tchèque, la puissante Russie, tout cela en fait un état complexe dont Arpad Soltesz choisit de nous montrer la violence. Le roman est émaillé de nombreuses références à l'Histoire récente de la Slovaquie, à la corruption de ses dirigeants. Et cette corruption "ruisselle", si vous me passez l'expression... Dans le roman, deux institutions sont montrées comme particulièrement gangrénées : la police, la justice, toutes deux sous la coupe de services secrets (et la Russie repointe le bout de son nez) qui eux-mêmes sont liés au crime organisé. Un beau nid de vipères, l'hydre à sept têtes en quelque sorte. C'est dire que Veronika n'a aucune chance d'obtenir justice.

Le roman est composé de manière assez virtuose, je dois dire : alternant aujourd'hui et autrefois (en faisant la part à autrefois), il montre les années 1990 comme moment charnière, où plutôt comme le moment qui suit la charnière, le moment où toutes ces alliances nauséabondes montrent de quoi elles sont capables. La corruption est telle qu'il est impossible de faire confiance à qui que ce soit. Arpad Soltész alterne les points de vue, les personnages, dans un roman kaléidoscopique. Je me souviendrai longtemps de Veronika, personnage résilient, comme on dit, magnifique personnage qui déjoue tout pathos. Arpad Soltész refuse d'ailleurs constamment le pathos (c'est pourquoi certains lecteurs seront peut-être rebutés par le roman) et les facilités. Ainsi, nul ne sauve personne, et la dernière page du roman, superbe, est à ce titre éloquente en même temps que désespérante : il est peut-être trop tard, nulle parcelle d'innocence ne subsiste dans ce cloaque.


Arpad Soltész, Il était une fois dans l'est (Mäso - Vtedy na východe), Agullo, 2019. Traduit du slovaque par Barbora Faure.

1 commentaire:

Electra a dit…

ah oui un roman noir donc car apparemment il finit mal pour Veronika.. j'avoue que sans une petite lumière au bout du chemin ou quelque chose de lumineux, j'ai du mal (même si j'ai adoré le dernier Vlautin qui finit aussi très mal) mais il y avait du lumineux - suis-je claire ? l'auteur est donc slovaque - il faut que je lise plus de livres venant de ces pays !