lundi 10 octobre 2016

Bondrée de Andrée A. Michaud


Présentation éditeur
À l'été 67, une jeune fille disparaît dans les épaisses forêts entourant Boundary Pond, un lac des confins du Québec rebaptisé Bondrée par un trappeur mort depuis longtemps. Elle est retrouvée morte. On veut croire à un accident, lorsqu'une deuxième adolescente disparaît à son tour... 

Ce que j’en pense
Bondrée est une splendeur de roman noir. Le sujet pourrait être celui d’un thriller, avec traque d’un tueur psychopathe dans la forêt, mais il n’en est rien, du moins à mon sens. Andrée A. Michaud fait le choix d’un roman noir qui fait la part belle aux ambiances, à la mélancolie, à la contemplation.
Il y a d’un côté le personnage de Michaud, le flic que les années alourdissent du poids des morts, de ces morts à qui il n’a pas pu rendre justice en arrêtant le meurtrier. Si le motif et le personnage sont classiques, Michaud est une belle réussite car il est encore sensible à la beauté : celle des espaces sauvages de Bondrée, à peine ternie par la présence des vacanciers ; celle de l’insouciance enfantine et adolescente des fillettes et des jeunes filles, mortes ou vivantes ; celle de la vie conjugale (eh oui !), de la douceur de partager des moments avec Dottie, son repère dans la nuit des morts qui hantent Michaud.
Il y a par ailleurs Emma, encore une fillette mais presque une adolescente, pétrie d’admiration pour les scandaleuses jeunes filles que sont Zaza et Sissy. Emma, avec son franc-parler, c’est la perte de l’innocence enfantine, témoin de la tragédie qui se joue, témoin de l’impuissance des adultes face à l’horreur. Elle sait que se joue ici, en cet été 67, la perte de son enfance, la perte de l’été, la perte de Bondrée.
Et l’ensemble, parfaitement harmonieux, est d’une beauté mélancolique à couper le souffle. Il faut aimer ce rythme un peu lent, les ambiances tour à tour oniriques, fantastiques, lyriques. On aime Emma, Michaud, Larue, et même Cusack ; on vit au rythme des succès musicaux de l’été 67, qui passent sur les transistors, de l’été lourd de Bondrée. On palpe les différences sociales et culturelles des estivants de Bondrée, les anglophones et les francophones, qui se mélangent peu, du moins avant la tragégie. On goûte le plaisir d’une écriture ciselée qui joue des contrastes entre l’anglais et le français.
J’espère que Rivages nous proposera d’autres romans de cette auteure et qu’ils seront aussi beaux que Bondrée.


Andrée A. Michaud, Bondrée, Rivages/Thriller, 2016. Publication originale : 2014.


4 commentaires:

Electra a dit…

Encore un très beau billet sur un livre que j'avais repéré depuis longtemps et la voix de Nick Cave ! Merci ;-)

Tasha Gennaro a dit…

You're welcome :-) C'est un très beau roman, hâte d'avoir ton avis quand tu le liras. Et le dernier Nick Cave est magnifique aussi.

Eva a dit…

Et hop, ton billet enfonce le clou après celui de Marie-Claude!
noté :)
et j'adore Nick Cave, c'est mon chanteur préféré depuis 18 ans maintenant...j'ai tous ses albums et un souvenir d'un magnifique concert au Zenith en 2013

Tasha Gennaro a dit…

Le roman a été une belle découverte, vraiment. Quant à Nick Cave, je suis loin de le connaître aussi bien que toi, mais j'aime beaucoup, et ce nouvel album, issu de sa tragédie personnelle, est un bijou.