Présentation (éditeur)
Livre d’une très grande originalité de propos et de facture, Hollywood Babylone présente toutes les caractéristiques de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler un « livre culte ». On pourrait même dire qu’il constitue un prototype du genre. Longtemps resté inédit dans les pays anglo-saxons, et d’abord publié — dans une version embryonnaire — par Jean-Jacques Pauvert à Paris, Hollywood Babylone invente, dès les années 1950, ce qui deviendra au cours des décennies suivantes l’approche « people », voire « trash », de la célébrité et du show-business.
Ce que j'en pense
C’est par un article des Inrocks, à la sortie du livre, que j’ai entendu parler de ce récit de Kenneth Anger, proclamé livre-culte. Le livre patientait depuis lors et ce n’est que ce mois-ci que je l’ai lu, ayant envie de quitter les rives de la fantasy urbaine que je fréquente ces temps-ci. C’est un curieux livre et aujourd’hui encore je me demande ce qui m’a poussée à le lire, car disons-le tout net, il y a dans ce récit une avalanche de faits divers trash concernant les stars hollywoodiennes du grand écran. On se sent un peu voyeur tout de même en lisant Hollywood Babylone et ce n’est pas très agréable… Pourtant, Anger ne fait que relayer la manière dont les médias de l’époque se sont emparés des frasques des stars, et le récit vaut bien mieux que la presse de bas étage qui est évoquée, surtout dans les deux premiers tiers du livre. Ce que Anger saisit, mine de rien, c’est la naissance du star system hollywoodien, la création de ce miroir aux alouettes qui s’empare de jeunes gens souvent mal préparés à être sous les feux des projecteurs, broyés par un système pourri jusqu’à l’os, imposant des cadences de travail qui font le bonheur des dealers de drogue, profitant sans vergogne des starlettes et même des vedettes féminines. Bref, Hollywood est bien un enfer de stupre et de luxure, une sorte de Moloch qui dévore ses créatures. Au-delà de cette mise en évidence, Anger retrace aussi l’évolution du système hollywoodien dans le contexte d’une Amérique puritaine qui va accoucher du code Hays, pour encadrer les productions cinématographiques et « moraliser » la production. Cet aspect-là est passionnant. Néanmoins, la fin du livre est plus faible, car Anger a écrit Hollywood Babylone en 1965 (repris en 1975 semble-t-il), et lorsqu’il aborde l’après-guerre, deux difficultés se dressent devant lui: la proximité avec les faits relatés - et quoi qu’on en pense, Anger n’est pas un charognard - et le manque de distance analytique. Mon intérêt a donc nettement faibli sur la fin.
Au final, c’est une lecture intéressante, et qui offre des échos bien involontaires avec l’univers d’un James Ellroy ou d’une Megan Abbott, dans cette peinture des dessous sales de Hollywood.
Kenneth Anger, Hollywood Babylone (Hollywood Babylone), Tristram, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Gwilym Tonnerre. Publication originale: 1965, 1975.
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