lundi 8 septembre 2014

Fatale de Cabanes et Manchette


Présentation (éditeur)
Aimée a tout pour plaire aux notables de Bléville : jeune, belle et veuve, elle s'intègre rapidement dans la sociabilité de cette ville de province rongée par l'habituel cocktail d'histoires de fesses et d'histoires de fric qu'on garde entre soi. Aimée observe. Elle attend la crise inévitable, celle qui finit toujours par éclater. Alors elle pourra enfin jouer franc jeu avec tous ces pourris, et les faire payer, dans tous les sens du terme. Car ce que personne ne sait, c'est qu'Aimée est une tueuse professionnelle…

Ce que j’en pense
Une nouvelle fois Cabanes s’attaque à l’oeuvre de Manchette (La Princesse du sang), aidé de Doug Headline (au passage, le fils de Jean-Patrick Manchette), pour nous livrer une adaptation graphique de Fatale. Alors c’est vrai, je suis dans une période un peu boulimique envers la bande dessinée, mais il faut que je vous dise: je suis fan de l’oeuvre de Jean-Patrick Manchette, et Fatale, paru en 1977, est un de mes romans préférés. A l’époque, Gallimard avait tenté une publication en grand format et hors collection policière, et l’illustration de couverture avait été confiée à Tardi, aux pinceaux pour le Griffu scénarisé par Manchette… Rien d’étonnant à ce que l’univers de Manchette ait été adapté, à plusieurs reprises, par le grand Tardi. 
Mais Cabanes n’a rien à lui envier. Si La Princesse du sang était une excellente bande dessinée, Fatale marque une montée en puissance. Côté scénario, rien à dire, c’est parfait, efficace, l’album reprend le récit sec et sans fioritures de Fatale, c’est du beau travail. Côté dessin, c’est d’une force et d’une beauté inouïe, rien de moins. Cabanes s’y entend pour rendre palpable l’atmosphère petite-bourgeoise de cette petite ville de province, son côté étriqué, tout le monde se connaît, surtout du côté des nantis et des bien-nés, et l’on sent tout de suite, comme Aimée, l’étouffoir des aspirations, le sacrifice au fric, les petits arrangements entre amis, la corruption absolue. Le modèle de Manchette était Poisonville, alias Personville, la cité gangrénée de Moisson rouge, de Dashiell Hammett, et Cabanes rend admirablement cela. La scène finale est somptueuse, nocturne et désolée à la fois, bien glauque…  Il faut saluer aussi la finesse de son trait quand il saisit les personnages, leur donne corps et âme tout à la fois. Appuyé sans être caricatural, son dessin vaut pour portrait d’une classe sociale. Et puis il y a les codes graphiques/visuels du noir, bien présents, dans des cases et des planches parfaitement maîtrisées, somptueuses, saisissantes, magnifiques. 
Je me suis régalée en lisant Fatale de Cabanes et Manchette. Bien sûr, si vous n’avez pas lu le roman de Jean-Patrick Manchette, foncez. Mais pour vous tous qui l’avez lu, lisez sans hésitation Fatale de Cabanes et Manchette, vous ne le regretterez pas. 
Sur le site de l’éditeur vous pourrez voir quelques planches.
Et Fatale, le roman, est évidemment disponible en Folio Policier.



Cabanes (dessin) et Manchette (d’après un roman de, avec le scénario de Doug Headline), Fatale,  Aire Libre, Dupuis, 2014.

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