lundi 17 juin 2019

De bonnes raisons de mourir de Morgan Audic


Présentation de l'éditeur
Un cadavre atrocement mutilé suspendu à la façade d’un bâtiment. Une ancienne ville soviétique envoûtante et terrifiante. Deux enquêteurs, aux motivations divergentes, face à un tueur fou  qui signe ses crimes d’une hirondelle empaillée. Et l’ombre d’un double meurtre perpétré en 1986, la nuit où la centrale de Tchernobyl a explosé…

Ce que j'en pense
Voilà un livre auquel je n'aurais pas pris garde si la blogosphère et les réseaux sociaux n'avaient pas titillé ma curiosité. Tout indique le thriller, et moi le thriller, ce n'est pas trop ma tasse de thé. Mais De bonnes raisons de mourir lorgne tout autant du côté du noir que du thriller. Disons que le rythme s'accélère peu à peu et que le final est typique d'un thriller, avec course contre la montre et twist (mais pas un twist monstrueux et ridicule). Mais par bien des aspects, le second roman de Morgan Audic est un roman noir : dimension sociale, désespérance, peinture de la saloperie humaine et politique, certitude que tout ça va mal se terminer. Et donc je marche!
Il faut reconnaître à Morgan Audic une belle efficacité, à la fois dans le rythme, prenant sans être étourdissant, et dans la manière de dessiner les personnages, auxquels le lecteur attache ses pas très rapidement et sans réserve. Et puis c'était passionnant d'aller par procuration à Tchernobyl, de saisir à la fois l'ampleur et la durée de la catastrophe (dont les conséquences se font toujours sentir) et de percevoir, dans ces villes et ces lieux abandonnés en toute hâte, les vestiges d'un monde disparu, l'URSS, un monde qui reposait certes sur des mensonges et une violence inouïe, mais qui valait bien la sauvagerie capitaliste d'aujourd'hui. Je me demande comment a travaillé Morgan Audic, car si j'ai bien compris, il n'est jamais allé sur place, ni de près ni de loin ; or, la lectrice que je suis, qui n'y a jamais mis les pieds non plus, a le sentiment d'y être, de toucher la vie de l'époque et d'aujourd'hui par mille et un détails. C'est saisissant. 
Mine de rien, Morgan Audic aborde les plaies de l'Ukraine d'aujourd'hui, de la Russie aussi: les conflits armés pour le contrôle des territoires, les nationalismes et la résurgence du fascisme et du néo-nazisme, la difficulté à vivre dignement dans un monde ravagé par le capitalisme. Et sans nostalgie mal placée, il évoque aussi le monde soviétique d'une manière qui m'a bouleversée: les vestiges d'un monde qui ne fonctionnait peut-être pas bien mais où l'intérêt de tous avait du sens. Peut-être est-ce moi qui projette des choses, je ne sais pas. 
En tout cas, De bonnes raisons de mourir est sacrément bien fichu, sans temps mort, sans frénésie, et j'ai passé un très bon moment. 

Morgan Audic, De bonnes raisons de mourir, Albin Michel, 2019.

Aucun commentaire: